Dr Bamba Abdoulaye est enseignant d’histoire contemporaine à l’Université Félix Houphouet-Boigny, au département d’histoire et spécialiste en relations internationales. Il donne les raisons du basculement de la crise centrafricaine en conflit interreligieux.
Comment peut-on comprendre ce qui se passe en Centrafrique ?
Je pourrais dire que les Centrafricains sont un peu habitués à l’instabilité. C’est un pays qui, avec six régimes, compte cinq issus de coup d’Etat. C’est pour vous dire que ce pays, à l’image de tous ses voisins, vit une période d’instabilité chronique. Je pense que les causes sont multiples. Il y a aussi la mauvaise gouvernance, l’absence de culture démocratique. Depuis quelque temps, la dimension ethnique et religieuse qui apparaît dans le conflit, le rend encore plus complexe.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer le basculement de la guerre en crise religieuse ?
Celui qui tient actuellement les rênes de la Centrafrique est musulman. L’avènement des rebelles de la Séléka, avec à leur tête un musulman, a pu donner à un moment des ailes aux musulmans qui sont en minorité et les actions causées par ces rebelles ont entraîné des frustrations du côté chrétien. Et, lorsque les militaires français sont arrivés et que les rebelles ont été désarmés, les chrétiens ont trouvé matière aussi avec l’intrusion des miliciens anti-balaka qui ont essayé d’extérioriser ces frustrations qu’ils ont accumulées depuis mars 2013, à l’avènement de la Séléka.
Y avait-il un signe précurseur à cette crise ?
Oui. A l’image de tous les Etats africains, les replis identitaires sont récurrents. Peut- être que les causes politiques ont pris le dessus. Les querelles de personnes entre Patassé et Bozizé et entre Bozizé et Michel Djotodia. L’analyse de la crise centrafricaine doit prendre en compte tous les paramètres politique, économique, ethnique et religieux. Sur le plan politique, c’est un pays qui est habitué à une instabilité. Sur le plan économique, c’est une minorité qui profite des richesses du pays. La grande majorité est dans un état de paupérisation. Sous Patassé, les fonctionnaires avaient passé des mois sans salaires. Il y a donc tous ces paramètres qu’il faut voir. Les dimensions ethniques, à l’image de tous les Etats africains, les Centrafricains aussi vivent de façon précaire. Donc, quand vous mettez tout dans un sac, cela donne ce qu’on constate actuellement.
Le fait qu’une crise politique bascule en conflit inter-religieux, a-t-il déjà existé dans ce pays?
Non, c’est la première fois que la crise bascule sur ce plan. Les conflits étaient toujours restés politiques. Cette dimension ethnique et religieuse est un fait nouveau, qu’il faut analyser en profondeur. Dans un premier temps, il faut arriver à contenir la crise. Et après, réfléchir sur la question, sur les rapports entre les Etats africains eux-mêmes.
Comment sortir de cette crise ?
Il y a plusieurs pistes qu’il faut explorer. Dans un premier temps, il faut retourner à la légalité constitutionnelle. Mettre fin à la série des coups d’Etat. Organiser de véritables élections démocratiques pour que celui qui est élu ne soit pas contesté afin que le pays puisse retrouver la paix définitive. Ensuite, il faut la bonne gouvernance pour réduire l’échelle de pauvreté, répartir équitablement les richesses du pays. Eviter également les frustrations de part et d’autre. Ne pas favoriser telle ou telle ethnie, réduire les clivages ethniques et identitaires. Enfin, je pense que la présence française ne doit pas s’éterniser. Il faut rapidement trouver une solution pour que les forces africaines puissent être en avant et que les forces françaises soient en appui.
Votre commentaire sur la présence française en Centrafrique.
Pour moi, la présence française est salutaire. Elle n’est pas nouvelle. La France est toujours intervenue dans ce pays. Chaque fois que le contexte s’y prêtait ou ne s’y prêtait pas. Cette opération française était nécessaire et elle a permis de sauver des vies humaines. Mais elle ne doit pas s’éterniser. Les troupes africaines doivent prendre la relève pour éviter que la population ne soit pas excédée de la présence des soldats français comme ce fut le cas sous Bozizé.
Certaines personnes affirment que la France attend toujours les petits conflits pour s’immiscer dans la politique intérieure des pays africains, comme c’est le cas en Centrafrique. Qu’en pensez-vous?
C’est une thèse qu’une catégorie d’Africains avance régulièrement. Mais je ne suis pas de cet avis. Si les Africains étaient capables de régler leurs problèmes, la France n’allait par intervenir. Si les Africains, à travers l’Union africaine, avaient résolu ce problème, les soldats français ne seraient pas à Bangui en ce moment. Mais je crois que ce processus est en cours et les Africains vont s’équiper pour faire face à ce genre de situations.
La Centrafrique peut-elle retrouver la paix vu l’instabilité qui règne dans la sous-région ?
C’est vrai que nous parlons de la Centrafrique. Régler le problème centrafricain sans, par exemple, régler celui de la République démocratique du Congo, ne servira pas à grand-chose. Mais dans l’immédiat, il faut d’abord éteindre le feu. Au niveau de la Cemac (Ndlr, Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), il faut une franche collaboration entre les chefs d’Etat. Les textes de la Cemac l’exigent : un pays ne doit pas servir de base-arrière pour déstabiliser un autre. La mise en pratique de ce point sera un gage pour le retour définitif de la paix dans la sous-région.
Réalisée par Adélaïde Konin
Comment peut-on comprendre ce qui se passe en Centrafrique ?
Je pourrais dire que les Centrafricains sont un peu habitués à l’instabilité. C’est un pays qui, avec six régimes, compte cinq issus de coup d’Etat. C’est pour vous dire que ce pays, à l’image de tous ses voisins, vit une période d’instabilité chronique. Je pense que les causes sont multiples. Il y a aussi la mauvaise gouvernance, l’absence de culture démocratique. Depuis quelque temps, la dimension ethnique et religieuse qui apparaît dans le conflit, le rend encore plus complexe.
Qu’est-ce qui pourrait expliquer le basculement de la guerre en crise religieuse ?
Celui qui tient actuellement les rênes de la Centrafrique est musulman. L’avènement des rebelles de la Séléka, avec à leur tête un musulman, a pu donner à un moment des ailes aux musulmans qui sont en minorité et les actions causées par ces rebelles ont entraîné des frustrations du côté chrétien. Et, lorsque les militaires français sont arrivés et que les rebelles ont été désarmés, les chrétiens ont trouvé matière aussi avec l’intrusion des miliciens anti-balaka qui ont essayé d’extérioriser ces frustrations qu’ils ont accumulées depuis mars 2013, à l’avènement de la Séléka.
Y avait-il un signe précurseur à cette crise ?
Oui. A l’image de tous les Etats africains, les replis identitaires sont récurrents. Peut- être que les causes politiques ont pris le dessus. Les querelles de personnes entre Patassé et Bozizé et entre Bozizé et Michel Djotodia. L’analyse de la crise centrafricaine doit prendre en compte tous les paramètres politique, économique, ethnique et religieux. Sur le plan politique, c’est un pays qui est habitué à une instabilité. Sur le plan économique, c’est une minorité qui profite des richesses du pays. La grande majorité est dans un état de paupérisation. Sous Patassé, les fonctionnaires avaient passé des mois sans salaires. Il y a donc tous ces paramètres qu’il faut voir. Les dimensions ethniques, à l’image de tous les Etats africains, les Centrafricains aussi vivent de façon précaire. Donc, quand vous mettez tout dans un sac, cela donne ce qu’on constate actuellement.
Le fait qu’une crise politique bascule en conflit inter-religieux, a-t-il déjà existé dans ce pays?
Non, c’est la première fois que la crise bascule sur ce plan. Les conflits étaient toujours restés politiques. Cette dimension ethnique et religieuse est un fait nouveau, qu’il faut analyser en profondeur. Dans un premier temps, il faut arriver à contenir la crise. Et après, réfléchir sur la question, sur les rapports entre les Etats africains eux-mêmes.
Comment sortir de cette crise ?
Il y a plusieurs pistes qu’il faut explorer. Dans un premier temps, il faut retourner à la légalité constitutionnelle. Mettre fin à la série des coups d’Etat. Organiser de véritables élections démocratiques pour que celui qui est élu ne soit pas contesté afin que le pays puisse retrouver la paix définitive. Ensuite, il faut la bonne gouvernance pour réduire l’échelle de pauvreté, répartir équitablement les richesses du pays. Eviter également les frustrations de part et d’autre. Ne pas favoriser telle ou telle ethnie, réduire les clivages ethniques et identitaires. Enfin, je pense que la présence française ne doit pas s’éterniser. Il faut rapidement trouver une solution pour que les forces africaines puissent être en avant et que les forces françaises soient en appui.
Votre commentaire sur la présence française en Centrafrique.
Pour moi, la présence française est salutaire. Elle n’est pas nouvelle. La France est toujours intervenue dans ce pays. Chaque fois que le contexte s’y prêtait ou ne s’y prêtait pas. Cette opération française était nécessaire et elle a permis de sauver des vies humaines. Mais elle ne doit pas s’éterniser. Les troupes africaines doivent prendre la relève pour éviter que la population ne soit pas excédée de la présence des soldats français comme ce fut le cas sous Bozizé.
Certaines personnes affirment que la France attend toujours les petits conflits pour s’immiscer dans la politique intérieure des pays africains, comme c’est le cas en Centrafrique. Qu’en pensez-vous?
C’est une thèse qu’une catégorie d’Africains avance régulièrement. Mais je ne suis pas de cet avis. Si les Africains étaient capables de régler leurs problèmes, la France n’allait par intervenir. Si les Africains, à travers l’Union africaine, avaient résolu ce problème, les soldats français ne seraient pas à Bangui en ce moment. Mais je crois que ce processus est en cours et les Africains vont s’équiper pour faire face à ce genre de situations.
La Centrafrique peut-elle retrouver la paix vu l’instabilité qui règne dans la sous-région ?
C’est vrai que nous parlons de la Centrafrique. Régler le problème centrafricain sans, par exemple, régler celui de la République démocratique du Congo, ne servira pas à grand-chose. Mais dans l’immédiat, il faut d’abord éteindre le feu. Au niveau de la Cemac (Ndlr, Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale), il faut une franche collaboration entre les chefs d’Etat. Les textes de la Cemac l’exigent : un pays ne doit pas servir de base-arrière pour déstabiliser un autre. La mise en pratique de ce point sera un gage pour le retour définitif de la paix dans la sous-région.
Réalisée par Adélaïde Konin