En Juin 2011, la coordination nationale des personnes handicapées de Côte d’Ivoire (caphci) voit le jour sur fond de revendication pour de meilleures conditions de vie et de travail de ses membres. Deux ans plus tard, son président Koné Yacouba, professeur des Sciences de la Vie et de la Terre (svt) nous a accordé cet entretien à Touba le vendredi 27 décembre 2013 alors qu’il visitait une importante réalisation avicole de la caphci. Malgré quelques déceptions, il reste accroché à l’idéal d’une société qui accorde une place à chaque citoyen, sans complexe.
Monsieur le président, qu’est-ce qu’une personne handicapée et comment se portent aujourd’hui les personnes handicapées de Côte d’Ivoire ?
Merci de vous intéresser à nous et de venir vers ces êtres aux conditions de vie difficile que nous sommes. Selon l’OMS (ndlr : organisation mondiale de la santé), est dite personne handicapée toute personne qui souffre d’une déficience, d’une réduction de motricité. Ce n’est même plus une question de santé ; le handicap aujourd’hui est plus vu sous l’angle du droit humain. Sans dire que nous tirons le diable par la queue, je peux noter que nous souffrons. Nous souffrons d’être parfois marginalisés mais surtout de ce que les gouvernants actuels ou passés n’ont pas encore fait de notre prise en compte leur priorité. Nous avons le sentiment qu’il n’existe pas de politique sociale dans ce pays.
De quoi s’agit-il ? Quels sont les problèmes réels des handicapés ?
Les problèmes sont connus. Le premier problème est lié à l’absence de statistiques fiables. Il n’existe pas de chiffres réels des handicapés de notre pays. Il y a un véritable tâtonnement de telle sorte que la Côte d’Ivoire est obligée de s’aligner sur les chiffres des Nations Unies qui estiment que dans les pays en voie de développement, 15% des gens sont handicapés. Sur cette base, si la Côte d’Ivoire compte 20 millions d’habitants, c’est dire qu’il existe dans ce pays 3 millions de personnes handicapées. Encore que ce sont des chiffres ! Dans la pratique, c’est beaucoup plus que tout cela vu l’effet des guerres et de certaines maladies endémiques en Afrique. Mais sans chiffres fiables, point de développement, vous le savez très bien ! Aussi, sommes-nous confrontés à des difficultés de prise en charge, d’allocations et d’absence dans les projets de développement. Tous les projets qu’on dit monter pour nous, sans nous, sont des projets voués à l’échec. Cela constitue notre principale préoccupation. Il faut être dans notre situation pour savoir nos problèmes et nos ressentiments. Nul ne pourra mieux qu’un handicapé parler bien de nos problèmes au Chef de l’Etat si ce n’est nous-mêmes. Or c’est ce qui se fait dans les instances de décision dans la gestion quotidienne des personnes handicapées de notre pays. 80 à 90% des personnes handicapées vivent par exemple à l’intérieur du pays, alors que paradoxalement, 90% des ressources sont allouées aux handicapés d’Abidjan.
Face à toutes ces difficultés, que fait votre coordination afin de donner la joie de vivre à ses membres ?
Au niveau de la caphci (coordination nationale des personnes handicapées de Côte d’Ivoire), nous avons l’intime conviction que le président de la République ne nous a pas oubliés. Surtout que nous observons tout ce qui se passe. Nous pensons que lui-même et la Première Dame sont totalement sensibles aux problèmes des personnes de conditions vulnérables en général. Mais avant que l’échelle n’arrive à notre niveau, il faut se battre pour survivre surtout dans la dignité. C’est dans ce contexte que la caphci a obtenu l’appui bienveillant de l’Agefop qui nous soutient depuis 2012 à réaliser des projets en aviculture à Touba, Yamoussoukro, Man, Dimbokro, Lakota et Ferké. C’est l’évolution du projet de Touba que je suis venu visiter aujourd’hui, après d’autres villes. Nous luttons aussi pour plus de légitimité dans les sphères de décision et des questions à propos des personnes handicapées.
Avez-vous des propositions concrètes à faire aux décideurs?
Le président de la République a promis beaucoup de bonnes nouvelles pour l’année 2014. Nous avons bon espoir que les personnes handicapées trouveront leur compte dans ces nouvelles. Pour ne pas induire le Chef de l’Etat en erreur, les gens doivent éviter le caractère unilatéral de la concertation dans la gestion pratique des handicapés. La structure unique concernant les handicapés et reliée au ministère des affaires sociales est caduque. Il faut une transversalité au niveau de plusieurs ministères pour plus d’efficacité. La caphci qui est représentée dans les 107 départements de notre pays compte près de trente mille membres et ne peut pas ne pas être consultée. Nous tenons au recrutement dérogatoire de 10% soit 1500 personnes handicapées diplômées parmi les 15000 personnes que l’Etat entend recruter bientôt à la fonction publique. Demandons aussi à l’Etat de songer à la question d’accessibilité aux bureaux. Comment une personne handicapée peut se rendre à son service ou même à tout autre bureau situé en hauteur ? L’Etat ne doit pas se comporter comme si tous les citoyens sont logés à la même enseigne physique et mentale. Tous les maux qui minent notre milieu seront mieux traités si nous sommes consultés et associés à la recherche de solutions. C’est donc à juste titre que nous revendiquons la création d’un secrétariat d’Etat rattaché à la Présidence de la République chargé des personnes handicapées. Il ne s’agira pas d’un secrétariat qui serait une administration bateau mais plutôt un secrétariat d’Etat efficace avec des objectifs bien précis comme en Haïti ou au Canada. Ce sera une structure gérée par les personnes handicapées, pour les personnes handicapées.
Vers la fin de notre entretien, quelle adresse à vos membres et à toutes les personnes handicapées de Côte d’Ivoire?
A mes amis de douleur, je dis courage ! Mes vœux de santé et de réussite les accompagnent à l’orée de la nouvelle année ! A tous ces gens diminués physiquement, je recommande la persévérance et la dignité. La mendicité est interdite en Côte d’Ivoire. Quittons le statut d’assistanat. Mettons-nous au travail et impliquons-nous sans complexe dans le développement de la Côte d’Ivoire. Nous devons être des citoyens à part entière. Car nous sommes reconnus par la constitution ivoirienne bien que pour le moment cette constitution ne permet pas à une personne handicapée de briguer la magistrature suprême.
Réalisé par Bayo Lynx, correspondant régional
Monsieur le président, qu’est-ce qu’une personne handicapée et comment se portent aujourd’hui les personnes handicapées de Côte d’Ivoire ?
Merci de vous intéresser à nous et de venir vers ces êtres aux conditions de vie difficile que nous sommes. Selon l’OMS (ndlr : organisation mondiale de la santé), est dite personne handicapée toute personne qui souffre d’une déficience, d’une réduction de motricité. Ce n’est même plus une question de santé ; le handicap aujourd’hui est plus vu sous l’angle du droit humain. Sans dire que nous tirons le diable par la queue, je peux noter que nous souffrons. Nous souffrons d’être parfois marginalisés mais surtout de ce que les gouvernants actuels ou passés n’ont pas encore fait de notre prise en compte leur priorité. Nous avons le sentiment qu’il n’existe pas de politique sociale dans ce pays.
De quoi s’agit-il ? Quels sont les problèmes réels des handicapés ?
Les problèmes sont connus. Le premier problème est lié à l’absence de statistiques fiables. Il n’existe pas de chiffres réels des handicapés de notre pays. Il y a un véritable tâtonnement de telle sorte que la Côte d’Ivoire est obligée de s’aligner sur les chiffres des Nations Unies qui estiment que dans les pays en voie de développement, 15% des gens sont handicapés. Sur cette base, si la Côte d’Ivoire compte 20 millions d’habitants, c’est dire qu’il existe dans ce pays 3 millions de personnes handicapées. Encore que ce sont des chiffres ! Dans la pratique, c’est beaucoup plus que tout cela vu l’effet des guerres et de certaines maladies endémiques en Afrique. Mais sans chiffres fiables, point de développement, vous le savez très bien ! Aussi, sommes-nous confrontés à des difficultés de prise en charge, d’allocations et d’absence dans les projets de développement. Tous les projets qu’on dit monter pour nous, sans nous, sont des projets voués à l’échec. Cela constitue notre principale préoccupation. Il faut être dans notre situation pour savoir nos problèmes et nos ressentiments. Nul ne pourra mieux qu’un handicapé parler bien de nos problèmes au Chef de l’Etat si ce n’est nous-mêmes. Or c’est ce qui se fait dans les instances de décision dans la gestion quotidienne des personnes handicapées de notre pays. 80 à 90% des personnes handicapées vivent par exemple à l’intérieur du pays, alors que paradoxalement, 90% des ressources sont allouées aux handicapés d’Abidjan.
Face à toutes ces difficultés, que fait votre coordination afin de donner la joie de vivre à ses membres ?
Au niveau de la caphci (coordination nationale des personnes handicapées de Côte d’Ivoire), nous avons l’intime conviction que le président de la République ne nous a pas oubliés. Surtout que nous observons tout ce qui se passe. Nous pensons que lui-même et la Première Dame sont totalement sensibles aux problèmes des personnes de conditions vulnérables en général. Mais avant que l’échelle n’arrive à notre niveau, il faut se battre pour survivre surtout dans la dignité. C’est dans ce contexte que la caphci a obtenu l’appui bienveillant de l’Agefop qui nous soutient depuis 2012 à réaliser des projets en aviculture à Touba, Yamoussoukro, Man, Dimbokro, Lakota et Ferké. C’est l’évolution du projet de Touba que je suis venu visiter aujourd’hui, après d’autres villes. Nous luttons aussi pour plus de légitimité dans les sphères de décision et des questions à propos des personnes handicapées.
Avez-vous des propositions concrètes à faire aux décideurs?
Le président de la République a promis beaucoup de bonnes nouvelles pour l’année 2014. Nous avons bon espoir que les personnes handicapées trouveront leur compte dans ces nouvelles. Pour ne pas induire le Chef de l’Etat en erreur, les gens doivent éviter le caractère unilatéral de la concertation dans la gestion pratique des handicapés. La structure unique concernant les handicapés et reliée au ministère des affaires sociales est caduque. Il faut une transversalité au niveau de plusieurs ministères pour plus d’efficacité. La caphci qui est représentée dans les 107 départements de notre pays compte près de trente mille membres et ne peut pas ne pas être consultée. Nous tenons au recrutement dérogatoire de 10% soit 1500 personnes handicapées diplômées parmi les 15000 personnes que l’Etat entend recruter bientôt à la fonction publique. Demandons aussi à l’Etat de songer à la question d’accessibilité aux bureaux. Comment une personne handicapée peut se rendre à son service ou même à tout autre bureau situé en hauteur ? L’Etat ne doit pas se comporter comme si tous les citoyens sont logés à la même enseigne physique et mentale. Tous les maux qui minent notre milieu seront mieux traités si nous sommes consultés et associés à la recherche de solutions. C’est donc à juste titre que nous revendiquons la création d’un secrétariat d’Etat rattaché à la Présidence de la République chargé des personnes handicapées. Il ne s’agira pas d’un secrétariat qui serait une administration bateau mais plutôt un secrétariat d’Etat efficace avec des objectifs bien précis comme en Haïti ou au Canada. Ce sera une structure gérée par les personnes handicapées, pour les personnes handicapées.
Vers la fin de notre entretien, quelle adresse à vos membres et à toutes les personnes handicapées de Côte d’Ivoire?
A mes amis de douleur, je dis courage ! Mes vœux de santé et de réussite les accompagnent à l’orée de la nouvelle année ! A tous ces gens diminués physiquement, je recommande la persévérance et la dignité. La mendicité est interdite en Côte d’Ivoire. Quittons le statut d’assistanat. Mettons-nous au travail et impliquons-nous sans complexe dans le développement de la Côte d’Ivoire. Nous devons être des citoyens à part entière. Car nous sommes reconnus par la constitution ivoirienne bien que pour le moment cette constitution ne permet pas à une personne handicapée de briguer la magistrature suprême.
Réalisé par Bayo Lynx, correspondant régional