Révélé aux ivoiriens en même temps que Franklin Nyamsi, notamment au plus fort de la bataille des idées contre le régime Laurent Gbagbo, durant la crise post électorale entre novembre 2010 et avril 2011, le Docteur Alexis Dieth semblait avoir pris du recul depuis son désapparentement avec celui qui fait désormais office d’ex compagnon de route, avec qui il a même croisé récemment le fer, sur les réseaux sociaux. L’IA ne s’est pourtant pas vraiment intéressé à cet aspect des choses. Dans cet entretien, nous avons plutôt cherché à connaître davantage l’homme , et à le faire mieux connaître de nos lecteurs et des populations de Côte d’Ivoire. Dans une période où le débat public en Côte d’Ivoire est pris apprivoisé sur tant de plate-forme, par des personnes et personnages ayant à peine fait leurs humanités, il paraît utile de donner la parole à un acteur qui a un regard lucide, et non exalté . Première partie d’une interview exclusive qui aborde presque toutes les questions, sauf justement celles liées à la relation et à la polémique avec Franklin Nyamsi.
Qui est exactement Alexis Dieth et que devient-il, puisqu’on ne le lisait plus assez souvent ces derniers temps comme avant ?
Ancien élève du Lycée Normal de Dabou de la promotion 1972 à 1975, j’ai ensuite passé mon Capes et ma maîtrise de Philosophie à l’université d’Abidjan puis une thèse de Doctorat d’Etat nouveau régime à l’Université de Poitiers en 2006 sur la philosophie morale et politique d’Emmanuel Kant. Après la Côte d’Ivoire d’où je suis parti en 2000, j’ai exercé ma fonction d’enseignant de philosophie au Liban à Beyrouth, en France à Bordeaux et en Autriche à Vienne. Vous saurez les raisons de cette itinérance dans la suite de l’Interview. Fondateur et Rédacteur en chef du site Construire Ensemble la Démocratie pour l’Emergence de l’Afrique (cedea.net), je me consacre aujourd’hui entièrement à la réflexion sur les problématiques de la Démocratie et du Développement endogène en Afrique Noire.
N’avez-vous pas d’autres compléments de prénoms en langue locale, en plus d’Alexis ?
Outre mon prénom Alexis j’ai un prénom ethnique Kodjo qui dénomme chez les N’zima, plus connus sous le nom d’Appoloniens, les enfants de sexe masculin nés un lundi. Je me prénomme aussi Adunlin du nom du chef de mon lignage maternel. Toutefois, ces noms et prénoms ne figurent sur mon état civil.
Même si on vous connaît pour ne pas aimer les références à l’ethnie, ni à l’origine, peut-on néanmoins se permettre de dire que vous êtes Akan et Baoulé d’une part , et surtout d’autre part un ivoirien de souche multiséculaire pour parler comme les partisans de cette ivoirité tant combattue par vous ?
De père Baoulé de Tiassalé et de mère N’zima (appolonien) de Grand-Lahou, je suis né d’un métissage à l’intérieur de la communauté culturelle Akan. J’ai vu le jour à Divo, en pays Dida. Je me définis donc autant par mon identité ethnique que par mon identité nationale de citoyen. Je me pense à la fois comme ethnie et comme citoyen. Je me reconnais donc à la fois comme citoyen ivoirien et comme Baoulé-N’zima de la communauté culturelle des Akans.
Malgré tout ce pedigree, on ne vous a jamais retrouvé dans le camp de l’ivoirité politique….Pourquoi ?
Né du métissage ethnique et fils de l’Etat ivoirien comme citoyen, je ne me suis jamais reconnu dans l’Ivoirité parce que, dans cette notion artificielle, l’ethnie a été utilisée en Côte d’Ivoire contre la nation et contre la République. Cette version ivoirienne de la revendication identitaire oppose, à travers la notion d’ivoirien de souche multiséculaire, les ethnies entre elles et oppose l’ethnie à la Nation. Cet affrontement entre l’ethnie et la Nation brise le couple harmonieux des deux polarités d’Unité et Multiplicité, d’identité et de différence qui structurent l’âme de la Côte d’Ivoire. Cette notion attaque directement l’identité nationale de notre pays qui est née du mariage de l’unité et de la diversité. La nation ivoirienne a été créée par un mélange de peuples tous venus d’ailleurs. Elle se définit par la citoyenneté, par la fraternité des cultures et par la coopération harmonieuse entre ces cultures et la modernité. Je me définis donc avant tout par mon appartenance citoyenne, qui me permet de situer mon identité ethnique à l’intérieur de la République. (Cf mes deux publications récentes dans cedea.net. ). La notion d’ivoirité et le national-populisme qui lui a emboîté le pas, sont foncièrement désintégrants et sont une menace mortelle pour la Côte d’Ivoire. Le FPI de Laurent Gbagbo a récupéré cette revendication identitaire mortifère et l’a dissimulée sous le manteau de l’anticolonialisme et de la lutte tiers-mondiste contre l’impérialisme du nouveau capitalisme financier, pour s’en servir comme arme politique pour la conquête , et la conservation du pouvoir. Nous ne devons jamais oublier que l’ivoirité, expression d’une revendication identitaire artificielle, est née d’une instrumentalisation politique de l’ethnicité dans un contexte de rivalité pour le pouvoir en Côte d’Ivoire. Opportuniste et artificielle, la revendication identitaire ivoirienne ne doit pas être assimilée à la résistance volontariste et spontanée d’une identité culturelle nationale contre les systèmes de pouvoir du marché international et du capitalisme financier. La revendication identitaire ivoirienne doit être donc prise pour ce qu’elle est : le camouflage commode des intérêts particuliers individuels et factionnels de certaines classes politiques ivoiriennes.
Dans vos textes, il vous arrive souvent de citer Augustin Diby. Pourquoi ? Qui est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
Le Professeur Augustin Dibi incarne à mes yeux la hauteur Morale et la hauteur du Savoir, la synthèse de la Conscience, autrement dit de la raison pure pratique et de la Raison pure comprise comme entendement. Augustin Dibi c’est une référence absolue, un Sage au sens philosophique du terme, une autorité morale et une autorité scientifique, une de ces personnes rares dont la fréquentation est la plus bénéfique, une présence qui aide chacun à s’améliorer intérieurement et à conserver bien en vue l’Orient. Je l’ai connu à mon arrivée à l’Université d’Abidjan en 1975. Il était alors en Licence en troisième Année et moi en 1ère Année. Je l’ai connu comme 1er de la Classe durant nos examens trimestriels. Je l’ai donc connu comme étant un étudiant d’excellence, et depuis nos chemins ne se sont plus séparés. Nous avons fait chemin ensemble, et j’ai appris à le connaître, et à l’aimer, d’autant que nous étions voisins de pallier à la Résidence Latrille. J’ai découvert un homme de savoir et un être profondément généreux, un citoyen de la plus noble espèce. Augustin Dibi c’est un être profondément généreux, un citoyen de la plus noble espèce. Augustin Dibi Kouadio c’est l’Universitaire de haut vol et le métaphysicien qui, armé de ses principes et de ses valeurs structurés par la fréquentation éthérée des Idées, a sauvegardé la fonction théorétique, et la destination universaliste de l’Université Ivoirienne lorsque nombre de ses pairs en sortaient dans les années 1998 et 2000 pour aller mettre en forme le mythe ethno-nationaliste qui allait briser la Côte d’Ivoire. Augustin Dibi Kouadio, c’est aussi l’intellectuel engagé qui a contribué activement, sur le terrain, à sauvegarder la République lorsque les escadrons de la mort sillonnaient la Côte d’Ivoire à la recherche des défenseurs de la citoyenneté, et d’une Côte d’Ivoire fraternelle. Démentant le mythe ethno-nationaliste d’une Côte d’Ivoire divisée entre Akan et Mandé, entre des autochtones multiséculaires et des étrangers, il est l’auteur de ce texte capital « LA PIERRE REJETÉE PAR LES B TISSEURS DE VENUE ANGULAIRE » publié le Vendredi 19 Novembre 2010 ,à quelques jours du Second tour de l’élection présidentielle pour soutenir le candidat Alassane Ouattara, et paru dans LE NOUVEAU RÉVEIL et LE PATRIOTE. Le Sage et l’ Ami au sens le plus noble du terme, le Citoyen et l’Exemple, voilà ce que représente pour moi Dibi Kouadio, Augustin. C’est un pilier moral et intellectuel de côte d’Ivoire.
Vous faites aussi souvent référence à votre épouse ? Est-elle également enseignante ? Peut-on savoir un peu votre côté jardin, combien d’enfants avez-vous ?
Mon épouse, avec laquelle j’ai deux enfants, (auparavant j’avais eu trois enfants d’une première union ), est mon alter ego. Nous sommes unis dans l’amour de la science, des idées, des valeurs humanistes et spirituelles, des principes et des valeurs de la République et de la Démocratie. Agrégée d’Histoire depuis 1992, elle est pourtant très humble. Enseignante et Conseillère Pédagogique détachée auprès du Ministère Français des Affaires étrangères pour le compte de l’AEFE (Agence pour l’Education Française à l’Etranger), je lui dois de pouvoir parcourir le monde à la rencontre des autres cultures et des autres visions du monde. Du Liban à l’Autriche, en passant par le Sénégal, je me suis enrichi de la diversité des cultures et des perspectives et j’ai appris une leçon fondamentale : l’Unicité humaine scandée dans la diversité harmonique des cultures. Cela a renforcé mon engagement dans la défense de la fraternité humaine, de la République et de la Démocratie qui permettent de la promouvoir et d’instituer le vivre-ensemble d’une humanité similaire dans sa diversité.
On vous a donc connu pour avoir eu le verbe haut contre Laurent Gbagbo, qu’est ce qui vous motivait ?
Nourri aux mamelles de l’Houphouëtisme, ayant grandi sous les valeurs chrétiennes de générosité et de reconnaissance de l’Autre, animé par l’universalisme humaniste de la métaphysique, la dérive xénophobe de la Côte d’Ivoire, mon pays, m’est apparue comme un scandale absolu, une sorte d’éclipse de la raison. Cette dérive identitaire m’est apparue comme une agression contre l’identité nationale de la Côte d’Ivoire, contre laquelle il faut lutter au quotidien, pied à pied. Laurent Gbagbo a accentué la rupture du contrat social ivoirien, en reprenant l’ivoirité dans les poubelles du courant identitaire du PDCI qui s’en était contextuellement débarrassé après avoir éprouvé la dangerosité de cette notion. Les Ivoiriens attendaient de Laurent Gbagbo une social-démocratie et un socialisme universaliste républicain. Il leur a servi un socialisme communautaire xénophobe et antirépublicain qui a érigé l’exclusion, le meurtre et la terreur en principe de gouvernement. Je me suis engagé pour dénoncer ce dévoiement du socialisme universaliste, et cette dérive identitaire meurtrière qui menaçait l’intégrité de la Côte d’Ivoire. Je me suis engagé pour tenter de sauvegarder l’esprit libéral de la Côte d’Ivoire, son âme généreuse et universaliste, pour sauvegarder la République et la Démocratie en Côte d’Ivoire.
N’avez-vous pas de regret avec le recul pour cet engagement ?
Cette lutte contre l’ethno-nationalisme, cette défense de la citoyenneté et de la République est un engagement pérenne. Je regrette tout simplement que, malgré l’expérience de la dangerosité absolue du discours identitaire, certains compatriotes et certains acteurs politiques continuent d’y recourir dans la rivalité pour le pouvoir.
Les résultats et le changement que vous escompteriez de par votre engagement sont-ils vraiment au rendez-vous ?
En dépit des apparences, les choses avancent dans le bon sens. Lentement, petit à petit, mais sûrement les Ivoiriens se rapproprient leur espace public avec les valeurs de la République, s’engagent pour la citoyenneté et récusent le nationalisme identitaire. Il faut soutenir ce mouvement par une gouvernance exemplaire, soucieuse du respect de la diversité mais aussi du respect de la chose publique et de l’intérêt général. Les Ivoiriens sont en attente d’exemplarité. L’unité nationale de la Côte d’Ivoire est activement en reconstruction, il importe de soutenir ce mouvement de fond.
Comme dit plus haut, vous vous étiez retiré de la sphère publique, vous vous contentiez de publications sur votre site CEDEA, quel est l’objet et le projet de CEDEA?
En réalité depuis mon engagement actif sur le terrain, engagement qui fut motivé par la dérive ethno-nationaliste du FPI, et par la crise post-électorale meurtrière qui s’ensuivit, je ne me suis jamais retiré de la sphère publique. J’ai ouvert le site Cedea pour penser la démocratie en Afrique, pour accompagner activement le mouvement de démocratisation de nos régimes politiques. Régulièrement diffusées sur les réseaux sociaux, mes contributions ont été souvent publiées par certains quotidiens ivoiriens dont Fraternité Matin. L’objectif de Cedea, site de participation constructive à but non lucratif, et ouvert aux contributions de tous les amis de la Démocratie républicaine et de ses valeurs, est de définir et d’analyser les situations, de proposer à partir de cette réflexion conceptuelle objective, des solutions concrètes pour résoudre les problématiques de la démocratie et du développement endogène en Afrique.
Après la France , vous seriez en ce moment au Sénégal, avez-vous un problème particulier avec votre pays la Côte d’Ivoire ?
Après l’Autriche plus exactement où je menais des réflexions purement théoriques sur la démocratie en Afrique, j’ai voulu donner de la substance à mes réflexions en les confrontant à la réalité de la démocratie sur le terrain africain. J’aurais naturellement souhaité faire cette expérience concrète en Côte d’Ivoire ma patrie bien aimée. Mais il n’y avait en Afrique de l’Ouest qu’un poste de l’AEFE Agence pour l’Education française à l’Etranger disponible pour mon épouse : Dakar au Sénégal. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans ce pays. Je suis néanmoins resté attaché par le cœur, et par l’esprit à mon pays, un véritable trésor en Afrique de l’Ouest. D’où mon engagement actif pour contribuer à la promotion et à l’avancement de la Démocratie républicaine dans mon pays, un régime qui j’en suis convaincu permettra d’en déployer tout le génie créateur et toutes les potentialités agricoles et minières.
Au delà de certains débats et polémiques, on ne vous a pas lu sur certains sujets comme cela crise des inscriptions à l’école, et les enfants délinquants appelés « microbes » ? Par rapport à ceux-ci, que pensez-vous de la « dénomination enfants en conflit avec la loi », souhaitée par les officiels ?
Vous avez raison. Concernant la « crise des inscriptions à l’école » il y’a eu effectivement de ma part un silence indu qui était involontaire occupé que j’étais à articuler mes réflexions sur la problématique de la crise de la Citoyenneté dans notre pays. La concomitance dans le temps des agressions perpétrées contre les Ministres de la République et contre des journalistes, ( et contre lesquelles je préparais une réponse citoyenne) , m’a empêché de me prononcer sur ces deux sujets importants. Je pense néanmoins que la dénomination « enfants en conflits avec la loi » n’est pas pertinente. Savent-ils ces enfants ce qu’est la Loi ? Ne faut-il pas plutôt les considérer comme des enfants désocialisés en perte de repère, dont il faut reconstruire la personnalité par une éducation multisectorielle qui les réintègre dans la cité par la médiation de l’apprentissage de la Loi ? La présence de ces enfants, les produits de la brutalisation continue de notre société depuis les années 1980, pose la question de sa régénération politique, éthique et morale. Il s’agit là d’une urgence, l’urgence de l’Education nationale. J’ai encore une fois déploré ce qui m’a paru être des tentatives de récupération et d’instrumentalisation politique de ce phénomène social grave, dont il faut envisager le traitement et la solution d’un point de vue citoyen et trans-partisan.
Vous est-il arrivé d’écrire des contributions avec des pseudonymes ?
Si ma mémoire est bonne, je l’ai fait deux fois en écrivant sous un pseudo sud-africain « Kumalo » et aussi autrichien lors de la crise post-électorale durant laquelle je publiais quasi-quotidiennement des contributions pour dénoncer le cycle de violences meurtrières initiées par le FPI. Il s’agissait de montrer qu’en Afrique du sud, qui conserve une vive mémoire de l’apartheid, comme dans cette Autriche qui conserve une vive mémoire du génocide, la dérive identitaire meurtrière de Laurent Gbagbo et de son FPI était vivement dénoncée et condamnée.
suite et fin lundi
Interview réalisée par Wakili Alafé
Qui est exactement Alexis Dieth et que devient-il, puisqu’on ne le lisait plus assez souvent ces derniers temps comme avant ?
Ancien élève du Lycée Normal de Dabou de la promotion 1972 à 1975, j’ai ensuite passé mon Capes et ma maîtrise de Philosophie à l’université d’Abidjan puis une thèse de Doctorat d’Etat nouveau régime à l’Université de Poitiers en 2006 sur la philosophie morale et politique d’Emmanuel Kant. Après la Côte d’Ivoire d’où je suis parti en 2000, j’ai exercé ma fonction d’enseignant de philosophie au Liban à Beyrouth, en France à Bordeaux et en Autriche à Vienne. Vous saurez les raisons de cette itinérance dans la suite de l’Interview. Fondateur et Rédacteur en chef du site Construire Ensemble la Démocratie pour l’Emergence de l’Afrique (cedea.net), je me consacre aujourd’hui entièrement à la réflexion sur les problématiques de la Démocratie et du Développement endogène en Afrique Noire.
N’avez-vous pas d’autres compléments de prénoms en langue locale, en plus d’Alexis ?
Outre mon prénom Alexis j’ai un prénom ethnique Kodjo qui dénomme chez les N’zima, plus connus sous le nom d’Appoloniens, les enfants de sexe masculin nés un lundi. Je me prénomme aussi Adunlin du nom du chef de mon lignage maternel. Toutefois, ces noms et prénoms ne figurent sur mon état civil.
Même si on vous connaît pour ne pas aimer les références à l’ethnie, ni à l’origine, peut-on néanmoins se permettre de dire que vous êtes Akan et Baoulé d’une part , et surtout d’autre part un ivoirien de souche multiséculaire pour parler comme les partisans de cette ivoirité tant combattue par vous ?
De père Baoulé de Tiassalé et de mère N’zima (appolonien) de Grand-Lahou, je suis né d’un métissage à l’intérieur de la communauté culturelle Akan. J’ai vu le jour à Divo, en pays Dida. Je me définis donc autant par mon identité ethnique que par mon identité nationale de citoyen. Je me pense à la fois comme ethnie et comme citoyen. Je me reconnais donc à la fois comme citoyen ivoirien et comme Baoulé-N’zima de la communauté culturelle des Akans.
Malgré tout ce pedigree, on ne vous a jamais retrouvé dans le camp de l’ivoirité politique….Pourquoi ?
Né du métissage ethnique et fils de l’Etat ivoirien comme citoyen, je ne me suis jamais reconnu dans l’Ivoirité parce que, dans cette notion artificielle, l’ethnie a été utilisée en Côte d’Ivoire contre la nation et contre la République. Cette version ivoirienne de la revendication identitaire oppose, à travers la notion d’ivoirien de souche multiséculaire, les ethnies entre elles et oppose l’ethnie à la Nation. Cet affrontement entre l’ethnie et la Nation brise le couple harmonieux des deux polarités d’Unité et Multiplicité, d’identité et de différence qui structurent l’âme de la Côte d’Ivoire. Cette notion attaque directement l’identité nationale de notre pays qui est née du mariage de l’unité et de la diversité. La nation ivoirienne a été créée par un mélange de peuples tous venus d’ailleurs. Elle se définit par la citoyenneté, par la fraternité des cultures et par la coopération harmonieuse entre ces cultures et la modernité. Je me définis donc avant tout par mon appartenance citoyenne, qui me permet de situer mon identité ethnique à l’intérieur de la République. (Cf mes deux publications récentes dans cedea.net. ). La notion d’ivoirité et le national-populisme qui lui a emboîté le pas, sont foncièrement désintégrants et sont une menace mortelle pour la Côte d’Ivoire. Le FPI de Laurent Gbagbo a récupéré cette revendication identitaire mortifère et l’a dissimulée sous le manteau de l’anticolonialisme et de la lutte tiers-mondiste contre l’impérialisme du nouveau capitalisme financier, pour s’en servir comme arme politique pour la conquête , et la conservation du pouvoir. Nous ne devons jamais oublier que l’ivoirité, expression d’une revendication identitaire artificielle, est née d’une instrumentalisation politique de l’ethnicité dans un contexte de rivalité pour le pouvoir en Côte d’Ivoire. Opportuniste et artificielle, la revendication identitaire ivoirienne ne doit pas être assimilée à la résistance volontariste et spontanée d’une identité culturelle nationale contre les systèmes de pouvoir du marché international et du capitalisme financier. La revendication identitaire ivoirienne doit être donc prise pour ce qu’elle est : le camouflage commode des intérêts particuliers individuels et factionnels de certaines classes politiques ivoiriennes.
Dans vos textes, il vous arrive souvent de citer Augustin Diby. Pourquoi ? Qui est-il ? Que représente-t-il pour vous ?
Le Professeur Augustin Dibi incarne à mes yeux la hauteur Morale et la hauteur du Savoir, la synthèse de la Conscience, autrement dit de la raison pure pratique et de la Raison pure comprise comme entendement. Augustin Dibi c’est une référence absolue, un Sage au sens philosophique du terme, une autorité morale et une autorité scientifique, une de ces personnes rares dont la fréquentation est la plus bénéfique, une présence qui aide chacun à s’améliorer intérieurement et à conserver bien en vue l’Orient. Je l’ai connu à mon arrivée à l’Université d’Abidjan en 1975. Il était alors en Licence en troisième Année et moi en 1ère Année. Je l’ai connu comme 1er de la Classe durant nos examens trimestriels. Je l’ai donc connu comme étant un étudiant d’excellence, et depuis nos chemins ne se sont plus séparés. Nous avons fait chemin ensemble, et j’ai appris à le connaître, et à l’aimer, d’autant que nous étions voisins de pallier à la Résidence Latrille. J’ai découvert un homme de savoir et un être profondément généreux, un citoyen de la plus noble espèce. Augustin Dibi c’est un être profondément généreux, un citoyen de la plus noble espèce. Augustin Dibi Kouadio c’est l’Universitaire de haut vol et le métaphysicien qui, armé de ses principes et de ses valeurs structurés par la fréquentation éthérée des Idées, a sauvegardé la fonction théorétique, et la destination universaliste de l’Université Ivoirienne lorsque nombre de ses pairs en sortaient dans les années 1998 et 2000 pour aller mettre en forme le mythe ethno-nationaliste qui allait briser la Côte d’Ivoire. Augustin Dibi Kouadio, c’est aussi l’intellectuel engagé qui a contribué activement, sur le terrain, à sauvegarder la République lorsque les escadrons de la mort sillonnaient la Côte d’Ivoire à la recherche des défenseurs de la citoyenneté, et d’une Côte d’Ivoire fraternelle. Démentant le mythe ethno-nationaliste d’une Côte d’Ivoire divisée entre Akan et Mandé, entre des autochtones multiséculaires et des étrangers, il est l’auteur de ce texte capital « LA PIERRE REJETÉE PAR LES B TISSEURS DE VENUE ANGULAIRE » publié le Vendredi 19 Novembre 2010 ,à quelques jours du Second tour de l’élection présidentielle pour soutenir le candidat Alassane Ouattara, et paru dans LE NOUVEAU RÉVEIL et LE PATRIOTE. Le Sage et l’ Ami au sens le plus noble du terme, le Citoyen et l’Exemple, voilà ce que représente pour moi Dibi Kouadio, Augustin. C’est un pilier moral et intellectuel de côte d’Ivoire.
Vous faites aussi souvent référence à votre épouse ? Est-elle également enseignante ? Peut-on savoir un peu votre côté jardin, combien d’enfants avez-vous ?
Mon épouse, avec laquelle j’ai deux enfants, (auparavant j’avais eu trois enfants d’une première union ), est mon alter ego. Nous sommes unis dans l’amour de la science, des idées, des valeurs humanistes et spirituelles, des principes et des valeurs de la République et de la Démocratie. Agrégée d’Histoire depuis 1992, elle est pourtant très humble. Enseignante et Conseillère Pédagogique détachée auprès du Ministère Français des Affaires étrangères pour le compte de l’AEFE (Agence pour l’Education Française à l’Etranger), je lui dois de pouvoir parcourir le monde à la rencontre des autres cultures et des autres visions du monde. Du Liban à l’Autriche, en passant par le Sénégal, je me suis enrichi de la diversité des cultures et des perspectives et j’ai appris une leçon fondamentale : l’Unicité humaine scandée dans la diversité harmonique des cultures. Cela a renforcé mon engagement dans la défense de la fraternité humaine, de la République et de la Démocratie qui permettent de la promouvoir et d’instituer le vivre-ensemble d’une humanité similaire dans sa diversité.
On vous a donc connu pour avoir eu le verbe haut contre Laurent Gbagbo, qu’est ce qui vous motivait ?
Nourri aux mamelles de l’Houphouëtisme, ayant grandi sous les valeurs chrétiennes de générosité et de reconnaissance de l’Autre, animé par l’universalisme humaniste de la métaphysique, la dérive xénophobe de la Côte d’Ivoire, mon pays, m’est apparue comme un scandale absolu, une sorte d’éclipse de la raison. Cette dérive identitaire m’est apparue comme une agression contre l’identité nationale de la Côte d’Ivoire, contre laquelle il faut lutter au quotidien, pied à pied. Laurent Gbagbo a accentué la rupture du contrat social ivoirien, en reprenant l’ivoirité dans les poubelles du courant identitaire du PDCI qui s’en était contextuellement débarrassé après avoir éprouvé la dangerosité de cette notion. Les Ivoiriens attendaient de Laurent Gbagbo une social-démocratie et un socialisme universaliste républicain. Il leur a servi un socialisme communautaire xénophobe et antirépublicain qui a érigé l’exclusion, le meurtre et la terreur en principe de gouvernement. Je me suis engagé pour dénoncer ce dévoiement du socialisme universaliste, et cette dérive identitaire meurtrière qui menaçait l’intégrité de la Côte d’Ivoire. Je me suis engagé pour tenter de sauvegarder l’esprit libéral de la Côte d’Ivoire, son âme généreuse et universaliste, pour sauvegarder la République et la Démocratie en Côte d’Ivoire.
N’avez-vous pas de regret avec le recul pour cet engagement ?
Cette lutte contre l’ethno-nationalisme, cette défense de la citoyenneté et de la République est un engagement pérenne. Je regrette tout simplement que, malgré l’expérience de la dangerosité absolue du discours identitaire, certains compatriotes et certains acteurs politiques continuent d’y recourir dans la rivalité pour le pouvoir.
Les résultats et le changement que vous escompteriez de par votre engagement sont-ils vraiment au rendez-vous ?
En dépit des apparences, les choses avancent dans le bon sens. Lentement, petit à petit, mais sûrement les Ivoiriens se rapproprient leur espace public avec les valeurs de la République, s’engagent pour la citoyenneté et récusent le nationalisme identitaire. Il faut soutenir ce mouvement par une gouvernance exemplaire, soucieuse du respect de la diversité mais aussi du respect de la chose publique et de l’intérêt général. Les Ivoiriens sont en attente d’exemplarité. L’unité nationale de la Côte d’Ivoire est activement en reconstruction, il importe de soutenir ce mouvement de fond.
Comme dit plus haut, vous vous étiez retiré de la sphère publique, vous vous contentiez de publications sur votre site CEDEA, quel est l’objet et le projet de CEDEA?
En réalité depuis mon engagement actif sur le terrain, engagement qui fut motivé par la dérive ethno-nationaliste du FPI, et par la crise post-électorale meurtrière qui s’ensuivit, je ne me suis jamais retiré de la sphère publique. J’ai ouvert le site Cedea pour penser la démocratie en Afrique, pour accompagner activement le mouvement de démocratisation de nos régimes politiques. Régulièrement diffusées sur les réseaux sociaux, mes contributions ont été souvent publiées par certains quotidiens ivoiriens dont Fraternité Matin. L’objectif de Cedea, site de participation constructive à but non lucratif, et ouvert aux contributions de tous les amis de la Démocratie républicaine et de ses valeurs, est de définir et d’analyser les situations, de proposer à partir de cette réflexion conceptuelle objective, des solutions concrètes pour résoudre les problématiques de la démocratie et du développement endogène en Afrique.
Après la France , vous seriez en ce moment au Sénégal, avez-vous un problème particulier avec votre pays la Côte d’Ivoire ?
Après l’Autriche plus exactement où je menais des réflexions purement théoriques sur la démocratie en Afrique, j’ai voulu donner de la substance à mes réflexions en les confrontant à la réalité de la démocratie sur le terrain africain. J’aurais naturellement souhaité faire cette expérience concrète en Côte d’Ivoire ma patrie bien aimée. Mais il n’y avait en Afrique de l’Ouest qu’un poste de l’AEFE Agence pour l’Education française à l’Etranger disponible pour mon épouse : Dakar au Sénégal. C’est ainsi que je me suis retrouvé dans ce pays. Je suis néanmoins resté attaché par le cœur, et par l’esprit à mon pays, un véritable trésor en Afrique de l’Ouest. D’où mon engagement actif pour contribuer à la promotion et à l’avancement de la Démocratie républicaine dans mon pays, un régime qui j’en suis convaincu permettra d’en déployer tout le génie créateur et toutes les potentialités agricoles et minières.
Au delà de certains débats et polémiques, on ne vous a pas lu sur certains sujets comme cela crise des inscriptions à l’école, et les enfants délinquants appelés « microbes » ? Par rapport à ceux-ci, que pensez-vous de la « dénomination enfants en conflit avec la loi », souhaitée par les officiels ?
Vous avez raison. Concernant la « crise des inscriptions à l’école » il y’a eu effectivement de ma part un silence indu qui était involontaire occupé que j’étais à articuler mes réflexions sur la problématique de la crise de la Citoyenneté dans notre pays. La concomitance dans le temps des agressions perpétrées contre les Ministres de la République et contre des journalistes, ( et contre lesquelles je préparais une réponse citoyenne) , m’a empêché de me prononcer sur ces deux sujets importants. Je pense néanmoins que la dénomination « enfants en conflits avec la loi » n’est pas pertinente. Savent-ils ces enfants ce qu’est la Loi ? Ne faut-il pas plutôt les considérer comme des enfants désocialisés en perte de repère, dont il faut reconstruire la personnalité par une éducation multisectorielle qui les réintègre dans la cité par la médiation de l’apprentissage de la Loi ? La présence de ces enfants, les produits de la brutalisation continue de notre société depuis les années 1980, pose la question de sa régénération politique, éthique et morale. Il s’agit là d’une urgence, l’urgence de l’Education nationale. J’ai encore une fois déploré ce qui m’a paru être des tentatives de récupération et d’instrumentalisation politique de ce phénomène social grave, dont il faut envisager le traitement et la solution d’un point de vue citoyen et trans-partisan.
Vous est-il arrivé d’écrire des contributions avec des pseudonymes ?
Si ma mémoire est bonne, je l’ai fait deux fois en écrivant sous un pseudo sud-africain « Kumalo » et aussi autrichien lors de la crise post-électorale durant laquelle je publiais quasi-quotidiennement des contributions pour dénoncer le cycle de violences meurtrières initiées par le FPI. Il s’agissait de montrer qu’en Afrique du sud, qui conserve une vive mémoire de l’apartheid, comme dans cette Autriche qui conserve une vive mémoire du génocide, la dérive identitaire meurtrière de Laurent Gbagbo et de son FPI était vivement dénoncée et condamnée.
suite et fin lundi
Interview réalisée par Wakili Alafé