Le Professeur Yao Kouamé Albert et son équipe travaillent sur le Lippia Multiflora appelé communément en baoulé " Blô Mangnrin " ou le thé de savane, une plante qui pousse sur l'ensemble du territoire national. Maître de Conférences en Pédologie et Aménagement des Sols, ce professeur est l'actuel directeur du Département des Sciences du Sol au niveau de l'Unité de Formation et de Recherche des Sciences de la Terre de l'Université de Cocody. Pour savoir l'importance de cette plante qui suscite tant d'intérêt pour cet universitaire et son équipe, nous nous sommes entretenus avec lui.
Vous consacrez une partie de votre temps à travailler sur une plante qui, apparemment est sans importance pour le profane. De quelle plante s'agit-il exactement ?
Il s'agit de cette plante que nous avons eu à pratiquer dans notre enfance, certainement dans nos différents villages, qui est le thé de savane ou thé de Gambie, et qui prend le nom scientifique de Lippia Multiflora. C'est une plante qui pousse dans les régions des savanes et qui dégage un parfum très agréable, dont les feuilles sont consommées sous forme de thé, au cours du petit déjeuner. Cette plante a beaucoup de vertus. D'abord, elle aide à soigner les états grippaux, la fièvre, le paludisme, ensuite, elle combat l'hypertension artérielle et soulage également de la fatigue. Elle est aussi un laxatif, un durétique, un remontant. Pour les hommes, elle est un tonifiant. Au niveau des maternités, elle aide à expulser le placenta. En cuisine, la feuille de cette même plante est utilisée comme la feuille de laurier pour assaisonner certains plats. Aujourd'hui, nous assistons à un commerce de cette plante sur nos marchés. Des jeunes filles qui en vendent des feuilles séchées, sous des conditionnements de 50Fcfa le sachet ; mais, dans certaines grandes surfaces commerciales, les 20grammes de feuilles séchées de la plante en sachets, sont vendus à 410Fcfa, voire 1000Fcfa. Si nous nous fions à ces chiffres, nous obtenons 8.200 à 20.000Fcfa le kilogramme de feuilles séchées. Le cacao, comme le café, même bien traités, ne peuvent jamais procurer autant de ressources financières. Ce qui nous pousse à nous demander si cette plante ne peut pas être apprivoisée. C'est-à-dire la "domestiquer" s'il le faut, et la cultiver pour permettre à nos parents paysans d'en créer des plantations afin d'engranger de l'argent qui va améliorer leur cadre de vie.
Vous convenez avec nous que c'est ce que vous dites qui vous motive à mener des recherches sur cette plante ?
Bien sûr que oui, parce que lorsque nous regardons le milieu où pousse cette plante, ce sont les milieux de savane apparemment qui sont abandonnés et inexploités, parce que qualifiés de peu productifs. Nos populations s'orientent vers les zones forestières pour s'adonner à des cultures de rente, telles que le cacao, le café, et maintenant l'hévéa. Si aujourd'hui, il est établi qu'on peut gagner 20.000Fcfa/ Kg en cultivant cette plante dans la zone savanicole, nous verrons que les populations vont rester sur place, parce qu'on ne peut pas espérer gagner mieux en allant ailleurs. L'émigration va être réduite, car on pourra ainsi contribuer à créer sur place des richesses pour permettre un meilleur développement des zones savanicoles.
D'où tirez-vous vos ressources financières pour effectuer les recherches, quand on sait que les recherches universitaires coûtent extrêmement chers ?
Jusque-là, mon équipe et moi avons de tout temps travaillé sur fonds propres. À partir de mon propre salaire, je dégage une partie qui nous sert à faire nos recherches, à faire des prospections, des tournées sur le terrain, et nous pensons qu'à l'issue des premières journées scientifiques que nous avons organisées, les résultats qui seront diffusés et communiqués à la population peuvent susciter des intérêts auprès de certaines bonnes volontés, qui pourront, peut être, aider à contribuer au financement des recherches, pour que nous puissions approfondir ses travaux et disposer de résultats vulgarisables à mettre à la disposition des producteurs et des agriculteurs.
En clair, vous n'avez pas d'appuis financiers…
Aucun appui financier ne nous arrive de quelque part. Je le disais tantôt que je finance mes recherches à partir de mes propres moyens financiers, c'est-à-dire à partir de mon salaire. Mes frais de déplacements et ceux des étudiants sont à ma propre charge, y compris l'hébergement. Le résultat que nous escomptons est de pouvoir dire aux populations qu'aujourd'hui, la Côte d'Ivoire dispose d'une telle ressource végétale qui a autant, sinon plus de vertus que certaines plantes que nous importons, notamment le thé de Verven, le thé de Ceylan, alors que le thé Lippia Multiflora offre des atouts plus sérieux aux plans biomédical et pharmaceutique. Notre grande satisfaction résidera dans la nécessité d'une plus grande sensibilisation des populations des zones savanicoles, à l'intérêt qu'elles devront désormais accorder à cette plante qui participe à la diversification des cultures ivoiriennes, lorsque nous aurons atteint ce que nous venons d'indiquer.
Pourquoi n'avez-vous pas engagé de recherches de financements extérieurs pour vos travaux?
Je disais tantôt que la plante sur laquelle nous travaillons pousse sans être cultivée. Entreprendre des quêtes de financements pour nos travaux allaient être perçu comme si nous faisions de la distraction, parce que les gens allaient plutôt dire qu'il y a des choses plus importantes sur lesquelles on aurait pu travailler. C'est pourquoi nous avons commencé par nous-mêmes dans nos recherches d'abord, par nos propres moyens puis avec les premiers résultats que nous avons pu obtenir, nous pouvons toucher le cœur de certaines personnes et leur montrer l'intérêt qu'il y a à soutenir financièrement cette recherche.
Professeur, pouvez-vous présenter scientifiquement la plante Lippia Multiflora ?
La plante Lippia Multiflora est un arbuste qui a une hauteur qui varie selon qu'on est en zone savanicole ou forestière. L'espèce étudiée ici est une plante herbacée d'environ 2 à 4 mètres de haut. Elle est composée d'une tige souterraine ou souche très courte, portant de nombreuses racines, qui forment des rejets ou branches aériennes, portant des feuilles et des épis floraux. Pour une souche âgée, le nombre de rejets varie de 5 à 8 selon les habitants naturels. La souche de lippia multiflora porte de nombreuses racines dont une racine principale, qui a une orientation verticale, et de nombreuses racines secondaires à orientation subhorizontale. Les racines ne s'entrelacent presque pas. Les racines secondaires peuvent avoir une taille allant jusqu'à 2 mètres de long. Le bout des racines est généralement pointu ; ce qui leur permet de pénétrer dans les différents horizons du sol. Leur épaisseur est de l'ordre du centimètre pour les plus grosses, et de l'ordre du millimètre pour les plus petites. La masse de souches peut varier de 300g à 1500g, selon l'âge de la plante et selon les habitants naturels.
Entretien réalisé par Brou François et Bruno Kouassi
Vous consacrez une partie de votre temps à travailler sur une plante qui, apparemment est sans importance pour le profane. De quelle plante s'agit-il exactement ?
Il s'agit de cette plante que nous avons eu à pratiquer dans notre enfance, certainement dans nos différents villages, qui est le thé de savane ou thé de Gambie, et qui prend le nom scientifique de Lippia Multiflora. C'est une plante qui pousse dans les régions des savanes et qui dégage un parfum très agréable, dont les feuilles sont consommées sous forme de thé, au cours du petit déjeuner. Cette plante a beaucoup de vertus. D'abord, elle aide à soigner les états grippaux, la fièvre, le paludisme, ensuite, elle combat l'hypertension artérielle et soulage également de la fatigue. Elle est aussi un laxatif, un durétique, un remontant. Pour les hommes, elle est un tonifiant. Au niveau des maternités, elle aide à expulser le placenta. En cuisine, la feuille de cette même plante est utilisée comme la feuille de laurier pour assaisonner certains plats. Aujourd'hui, nous assistons à un commerce de cette plante sur nos marchés. Des jeunes filles qui en vendent des feuilles séchées, sous des conditionnements de 50Fcfa le sachet ; mais, dans certaines grandes surfaces commerciales, les 20grammes de feuilles séchées de la plante en sachets, sont vendus à 410Fcfa, voire 1000Fcfa. Si nous nous fions à ces chiffres, nous obtenons 8.200 à 20.000Fcfa le kilogramme de feuilles séchées. Le cacao, comme le café, même bien traités, ne peuvent jamais procurer autant de ressources financières. Ce qui nous pousse à nous demander si cette plante ne peut pas être apprivoisée. C'est-à-dire la "domestiquer" s'il le faut, et la cultiver pour permettre à nos parents paysans d'en créer des plantations afin d'engranger de l'argent qui va améliorer leur cadre de vie.
Vous convenez avec nous que c'est ce que vous dites qui vous motive à mener des recherches sur cette plante ?
Bien sûr que oui, parce que lorsque nous regardons le milieu où pousse cette plante, ce sont les milieux de savane apparemment qui sont abandonnés et inexploités, parce que qualifiés de peu productifs. Nos populations s'orientent vers les zones forestières pour s'adonner à des cultures de rente, telles que le cacao, le café, et maintenant l'hévéa. Si aujourd'hui, il est établi qu'on peut gagner 20.000Fcfa/ Kg en cultivant cette plante dans la zone savanicole, nous verrons que les populations vont rester sur place, parce qu'on ne peut pas espérer gagner mieux en allant ailleurs. L'émigration va être réduite, car on pourra ainsi contribuer à créer sur place des richesses pour permettre un meilleur développement des zones savanicoles.
D'où tirez-vous vos ressources financières pour effectuer les recherches, quand on sait que les recherches universitaires coûtent extrêmement chers ?
Jusque-là, mon équipe et moi avons de tout temps travaillé sur fonds propres. À partir de mon propre salaire, je dégage une partie qui nous sert à faire nos recherches, à faire des prospections, des tournées sur le terrain, et nous pensons qu'à l'issue des premières journées scientifiques que nous avons organisées, les résultats qui seront diffusés et communiqués à la population peuvent susciter des intérêts auprès de certaines bonnes volontés, qui pourront, peut être, aider à contribuer au financement des recherches, pour que nous puissions approfondir ses travaux et disposer de résultats vulgarisables à mettre à la disposition des producteurs et des agriculteurs.
En clair, vous n'avez pas d'appuis financiers…
Aucun appui financier ne nous arrive de quelque part. Je le disais tantôt que je finance mes recherches à partir de mes propres moyens financiers, c'est-à-dire à partir de mon salaire. Mes frais de déplacements et ceux des étudiants sont à ma propre charge, y compris l'hébergement. Le résultat que nous escomptons est de pouvoir dire aux populations qu'aujourd'hui, la Côte d'Ivoire dispose d'une telle ressource végétale qui a autant, sinon plus de vertus que certaines plantes que nous importons, notamment le thé de Verven, le thé de Ceylan, alors que le thé Lippia Multiflora offre des atouts plus sérieux aux plans biomédical et pharmaceutique. Notre grande satisfaction résidera dans la nécessité d'une plus grande sensibilisation des populations des zones savanicoles, à l'intérêt qu'elles devront désormais accorder à cette plante qui participe à la diversification des cultures ivoiriennes, lorsque nous aurons atteint ce que nous venons d'indiquer.
Pourquoi n'avez-vous pas engagé de recherches de financements extérieurs pour vos travaux?
Je disais tantôt que la plante sur laquelle nous travaillons pousse sans être cultivée. Entreprendre des quêtes de financements pour nos travaux allaient être perçu comme si nous faisions de la distraction, parce que les gens allaient plutôt dire qu'il y a des choses plus importantes sur lesquelles on aurait pu travailler. C'est pourquoi nous avons commencé par nous-mêmes dans nos recherches d'abord, par nos propres moyens puis avec les premiers résultats que nous avons pu obtenir, nous pouvons toucher le cœur de certaines personnes et leur montrer l'intérêt qu'il y a à soutenir financièrement cette recherche.
Professeur, pouvez-vous présenter scientifiquement la plante Lippia Multiflora ?
La plante Lippia Multiflora est un arbuste qui a une hauteur qui varie selon qu'on est en zone savanicole ou forestière. L'espèce étudiée ici est une plante herbacée d'environ 2 à 4 mètres de haut. Elle est composée d'une tige souterraine ou souche très courte, portant de nombreuses racines, qui forment des rejets ou branches aériennes, portant des feuilles et des épis floraux. Pour une souche âgée, le nombre de rejets varie de 5 à 8 selon les habitants naturels. La souche de lippia multiflora porte de nombreuses racines dont une racine principale, qui a une orientation verticale, et de nombreuses racines secondaires à orientation subhorizontale. Les racines ne s'entrelacent presque pas. Les racines secondaires peuvent avoir une taille allant jusqu'à 2 mètres de long. Le bout des racines est généralement pointu ; ce qui leur permet de pénétrer dans les différents horizons du sol. Leur épaisseur est de l'ordre du centimètre pour les plus grosses, et de l'ordre du millimètre pour les plus petites. La masse de souches peut varier de 300g à 1500g, selon l'âge de la plante et selon les habitants naturels.
Entretien réalisé par Brou François et Bruno Kouassi