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Économie Publié le lundi 28 juin 2010 | Le Mandat

Pêche artisanale en Cote d`Ivoire - Les étrangers, rois des eaux ivoiriennes

Le poisson représente pour la population ivoirienne, estimée à 10 millions, la première source de protéines d'origine animale. Ce sont plus de 150.000 tonnes, qu’il faut pour la consommation nationale annuelle. Un défi qu’il faudra relever. Malheureusement, l’activité de la pêche a été abandonnée aux mains des non-nationaux qui font la loi, en se partageant les eaux ivoiriennes.

En septembre 1996, le Projet d'Étude Participative AISA/IDESSA a permis de faire l'historique des activités halieutiques et la typologie de la pêche. Cette activité, dans ce réservoir, est artisanale et de type individuel. Démarrée en 1980 avec l'implantation des pêcheurs étrangers originaires du Mali, les Bozos, la pêche était pratiquée dans le bas Sassandra par deux types d'acteurs : les professionnels (étrangers) et les occasionnels (Bakwés). Les engins de pêche sont ceux classiquement utilisés dans les pêcheries continentales de Côte d'Ivoire : filets maillants, mono et multifilaments, nasses (grillagées, en filets ou en bambou) et pièges en bambous de Chine. La densité des pêcheurs artisans sur le lac Faé dans cette zone, était de 6,4 pêcheurs/km2, soit trois fois supérieure à la norme optimale de 2 pêcheurs/km2 admise par la législation ivoirienne.

L’autorité ghanéenne sur des mers
Zimbabwé. Ce n’est pas le pays de l’Afrique australe. Mais un quartier précaire de la commune de Port-Bouët. Il est 7h ce samedi 27 juin 2010. L’épais brouillard qui se dégage ce matin, n’empêche pas femmes, hommes et enfants parlant particulièrement le Fanti et l’Ashanti (deux langues parlées au Ghana voisin) dans leur majorité, de se disputer les premières places à proximité des vagues de la mer qui vont et viennent. Un véritable attroupement qui attire l’attention des visiteurs et autres revendeuses de poissons postées à une dizaine de mètres de la rive sableuse. Signe annonciateur de l’arrivée des premières pirogues de pêche. La fine pluie qui tombe sur la plage et le froid qui en résulte est loin de décourager ces femmes ghanéennes, le pagne noué à la poitrine et les enfants aux corps nus, sans chaussures. L’atmosphère gagne en intensité dès qu’une vingtaine de minutes après, on aperçoit des embarcations qui pointent à l’horizon. On se bouscule pour être en première ligne. C’est dans ce décor qu’accostent les pirogues, avec à leurs bords, 7 membres de l’équipage pour certaines et 8 pour d’autres. Avec une spécificité. Ils sont tous, ghanéens. Un constat qui saute aux yeux de toutes les personnes venues faire des achats. Ce fait ne laisse pas M. Guedé J. venu acheter du poisson pour des funérailles, indifférent. Et il le fait remarquer à un officier de la police présent sur les lieux également. « Les étrangers sont vraiment les rois des eaux ivoiriennes », lance-t-il dans un langage empreint de regrets. Et il n’a pas tort. Toutes les pirogues (13 au total) en provenance des mers, étaient composées que des hommes de ‘’ce peuple frère’’. Comme pour dire qu’ils sont maîtres de cette étendue d’eau.

Maliens, Béninois, Nigériens…’’propriétaires’’ des fleuves, lagunes et lacs
Si les Ghanéens dans leur diversité ethnique se partagent la mer et autres grandes étendues d’eau, Maliens, Béninois et autre Nigériens sont les rois des lagunes et lacs autres fleuves ivoiriens. Faites un tour dans la région de Dabou, de Jacqueville et de Grand Lahou, pour vous en rendre compte. Dans ces villes lagunaires, ces pêcheurs venant de la sous-région, dament le pion à leurs ‘’collègues’’ Adioukrou, Ahizi, Avikam, Alladian et Ehotilé. Installés dans presque tous les villages en bordure de lagune, ils sont les premiers à prendre d’assaut ces espaces. « Déjà à 5h du matin, on les voit en groupe sur la lagune », a soutenu Mme Sita Amélie, vendeuse de poisson à Dabou. Cela, souvent, en violation des lois et rituels de leurs tuteurs. Ainsi, avec de petites pirogues, ils défient les grosses vagues provoquées la plupart du temps par les orages et grands vents. Une situation qui ne laisse nullement indifférentes les populations qui les a accueillies. « Cela nous inquiète souvent », laisse entendre Amari G. responsables des pêcheurs autochtones du village d’Attoutou B (Jacqueville). Inquiétude partagée par M’Boua Martin, président des jeunes pêcheurs du même village : « Nous ne maîtrisons pas leur secret, mais force est de reconnaître qu’ils nous font souvent peur », nous a-t-il fait remarquer, avant de poursuivre : « Ils sont en général, seuls dans leurs pirogues. Quand survient la marée haute, avec de grands vents, nous nous faisons beaucoup de soucis pour eux, à cause de l’étroitesse de leurs moyens de pêche ». Une situation qui n’effraye nullement ces derniers. Moumouni Fosseni, de nationalité nigérienne, le dit à qui veut l’entendre. « Ces petites pirogues nous permettent de nous déplacer facilement ». Sans commentaire !

La place de leurs femmes dans la filière
Venues du pays dans leur majorité avec leurs maris, les femmes jouent un rôle prépondérant dans cette activité, notamment dans le micro-mareyage. Elles sont fortement impliquées dans la commercialisation du poisson. Comme nous a dit Moumouni Fosseni, « Dans la plupart des villages ou lieux où cette activité est exercée, lorsque nous revenons de la pêche, nous discutons avec notre femme ou une femme de confiance, membre ou très proche de la famille, pour établir un prix pour le poisson (quelque soit le type) selon les saisons, selon la quantité prise par l'ensemble des pêcheurs dans un village donné. Cette femme (en général, celle du propriétaire) a pour mission, soit directement sur la plage, soit au marché, de vendre le poisson aux autres femmes qui sont des revendeuses professionnelles ou des revendeuses d'occasion ». De plus en plus, on voit apparaître dans le circuit, des femmes qui n'ont aucun lien de parenté avec un pêcheur. Les femmes, selon les informations recueillies chez les pêcheurs ghanéens, ne sont aucunement impliquées dans les questions touchant les techniques ou les activités de la pêche à part quelques rares cas ci et là. Parfois, dans certaines communautés, on trouve des femmes qui commercialisent de petits matériels de pêche. Il y a des rôles qui leurs sont totalement exclusifs et d'autres qui ne le sont pas et qui ont tendance à être pris en main par les hommes. La conjointe (femme du propriétaire du bateau), comme nous l’a fait savoir Moumouni, ne paie pas le poisson qu'elle va commercialiser. Cela fait partie de ses responsabilités dans le couple. Dans ce cas, elle ne génère pas de revenus propres. Dans le cas des autres femmes, elles achètent le poisson à crédit ou au comptant. En somme, on peut le constater, les Ivoiriens ont abandonné le secteur de la pêche aux étrangers, qui font la pluie et le beau temps dans un secteur générateur pourtant de revenus.

La particularité des Béninoises
A la différence des femmes venue du Mali, du Niger ou du Ghana, qui s’occupent exclusivement de la vente des produits de leurs maris, les Béninoises sont actives dans la pêche de crevettes. Activité très prisée dans leur pays d’origine, les femmes du pays de Mathieu Kérékou ont transposé celle-ci dans les lagunes ivoiriennes. Tôt le matin, elles vont à la chasse de ces crustacés. Avec bien sûr, des filets appropriés. « Elles peuvent passer plus de trois voir quatre heures dans les eaux souvent profondes. Pourvu qu’à la fin elles en trouvent pour la commercialisation et/ ou pour la nourriture du jour », nous a signifié Didier Codjovi, ressortissant de ce pays. Ces femmes se trouvent dans la zone de Jacqueville, dans les lagunes de Grand Lahou et près d'Assinie. Elles sont parfois propriétaires de leurs moyens de production parce qu’ayant elles seules le secret.
Jules César


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