Les lecteurs de cette chronique doivent se rappeler de mon interrogation sur le titre de cette collection d’ouvrages que Monsieur Claude Guéant, le ministre français, avait remis à notre président de la République. J’étais indigné que la télévision et la presse passent sous silence cette remise montrée furtivement dans les images de cette visite. Connaissant l’importance du livre dans le développement d’un pays et la transformation de l’individu, je ne pouvais pas me taire sur l’indifférence des uns et des autres. Je ne cesse de le dire, et tous les jours, que le drame de l’Afrique, est ce passage de l’oralité à l’image en sautant des siècles du livre et de la lecture. On continue dans ce continent à commencer à construire par le haut au lieu du bas. Pendant des jours, après cette visite, j’ai lu tous les quotidiens pour savoir s’il se trouvait un seul journaliste pour citer les titres des ouvrages remis à Alassane Ouattara. Pas un seul. De nombreux spectateurs des journaux télévisés m’ont dit n’avoir rien remarqué des ouvrages remis. Incroyable d’être le seul pour avoir vu cette image furtive ! Pour savoir si je n’avais pas été victime d’une hallucination, je me suis adressé à la bonne porte. J’ai été répondu. J’avais raison. Je n’avais pas rêvé. Monsieur Claude Guéant avait bel et bien remis des ouvrages à Monsieur le président de la République. Il s’agissait de l’ouvrage : «Recherches sur la Nature et la cause de la Richesse des Nations» d’Adam Smith (Tome 1à 5, Paris 1802). Adam Smith, cet Ecossais, né le 5 juin 1723, a articulé sa vie autour de la trilogie philosophie, économie et morale. La collection de livres remise à notre Président fait partie de son patrimoine immortel et que tout homme politique ou tout intellectuel doit absolument posséder. « Pour Smith, la richesse de la nation, c’est l’ensemble des produits qui agrémentent la vie de la nation entière, c’est-à-dire de toutes les classes et de toutes les consommations. L’or et la monnaie ne constituent plus la richesse, elles n’ont en elles-mêmes aucune utilité que celle d’intermédiaire de l’échange. » Dans la phase actuelle de développement de l’Afrique, un décollage toujours raté, lire Adam Smith et en faire de son ouvrage leur chevet sera d’une grande utilité pour tous les Africains épris et surtout passionnés pour le changement des mentalités tant au niveau des peuples que des élites. Si Adam Smith vivait encore j’aurais souvent discuté avec lui de l’utilité de la démocratie. A quoi ça sert ? En quoi elle développe les nations ? Au début de nos indépendances, les Occidentaux disaient que le parti unique était le passage obligatoire pour notre développement. Echec total ! Après on a toléré les régimes forts. Nouvel échec. On a donc fini par sortir de la boîte secrète, la démocratie. Elle est la condition sine qua none pour notre développement. Avec Adam Smith, on aurait regardé la situation des pays de l’Occident englués dans la démocratie depuis des décades et des décades. Là-bas, la population se plaint constamment de sa situation sociale. Dans tous ces pays, c’est le chômage en hausse continuelle. L’insécurité est permanente. Si on n’y trouve pas de prisonniers politiques, les maisons d’arrêt sont en construction, chaque année, devant les nombreux pensionnaires qui frappent à la porte des bagnes. La vie et la discrimination sont si fortes que des milliers de leurs citoyens sont devenus des bandits, des gangsters. Les enlèvements ne font qu’augmenter. Dieu, si on croit encore qu’il existe, est loin de leurs préoccupations. Chez eux, comme on aime contester, dénigrer tout programme, augmenter le taux de croissance est pratiquement voué à l’échec. D’ailleurs, le choix des dirigeants n’obéit pas au projet des candidats mais à l’image. Les propositions au pays n’intéressent pas le citoyen mais les petites phrases ou la vie sentimentale des candidats. Voir au journal télévisé de 20h, un vieux pleurant qui a été agressé par des jeunes gens, fait perdre des élections. La démocratie c’est la loi de l’image. L’Afrique est donc poussée depuis des années à la démocratie à l’occidental. Tout le monde voit le succès éclatant ! Adam Smith avait bien raison de nous faire comprendre que ce n’est pas forcément l’économie (les programmes, les crédits et les investissements) qui fait le développement mais elle y contribue largement. Adam Smith voulait par son ouvrage magistral nous amener à prendre en considération la formation de l’homme lui-même. Hélas, comme il le disait lui-même : «Il y a plusieurs années qu’à l’université d’Oxford la plutart des professeurs publics ont abandonné totalement jusqu’à l’apparence même d’enseigner.» Comment former, instruire et cultiver le peuple pour faire de lui un vrai citoyen du développement ? Devant l’échec de l’homme dans une société qui se désagrège, chaque jour un peu plus, j’aurais orienté ses recherches vers Dieu, vers la lecture d’élévation. Ainsi va l’Afrique. A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly
