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Économie Publié le samedi 21 juillet 2012 |

Reportage/ Plateau, activités des «cambistes informels» devant l’agence nationale de la Bceao - Dans l’univers des vendeurs de billets neufs

© Par DR
Union économique et monétaire ouest-africaine: le siège de la Banque centrale (Bceao) à Abidjan
Picture taken on January 27, 2011 in Abidjan shows the main office of the West African regional bank BCEAO
Jeudi 29 Juin 2012. Il est 10 heures, nous sommes dans les environs de l’immeuble la "Pyramide" au Plateau, le quartier des affaires d’Abidjan. Précisément non loin de la célèbre Avenue gouverneur Abdoulaye Fadika. Les commentaires des vendeurs à la criée sur les Unes des tabloïds du jour vont bon train. Les cris des vendeuses de sachets d’eau fraîche et des jeunes gens syndicalistes commis aux remplissages de woro-woro (taxis urbains) desservant certaines communes du District d’Abidjan donnent un cachet particulier à l’ambiance de cette fin de mois. Chacun y va de son commentaire, qui pour se plaindre d'un retard dans le virement, qui pour rire, à la sortie de sa banque. En tout cas, Plateau abhorre des facettes différentes. Nous sommes attirés par les mouvements de certains commerçants au comportement peu ordinaire. Les marchands de billets de banques neufs. Qui, enveloppes kaki en main, lancent à certains passants et usagers aux volants de grosses cylindrées : «La monnaie ? Nouveaux billets Vous voulez la monnaie ? 5000 Fcfa pour 500 Fcfa et 10000 Fcfa à 1000 Fcfa …» Des offres. Il y en a de toutes sortes et ne manquent d'ailleurs pas d’appâter «les initiés» en quête permanente de petites coupures de billets de banques craquants qui acceptent volontiers «de dévaluer ou déprécier la valeur faciale du Fcfa» contre des petites coupures. Au nez et la barbe des responsables de la Banque commune d’émission qui est censée protéger et garantir la monnaie commune aux huit Etats de l’espace communautaire de l’Union économique et monétaire Ouest africain, Uemoa. Une incursion dans cet univers nous fait découvrir la réalité des faits. Un autre monde des affaires dans un quartier aussi fréquenté qu'est Plateau. En fait un raccourci bien trouvé pour éviter les longues attentes au guichet.
Un raccourci pour trouver les nouvelles coupures
Pour ne pas nous faire raconter ou expliquer la fameuse transaction qui se fait à ce carrefour parfois sous le regard inquisiteur de certains badauds, au lieu d’aller à la banque et vue l’heure tardive pour rallier Gagnoa notre destination initiale pour affaires personnelles, nous décidons de nous procurer de petites coupures de banques très craquants. Pour 20 mille Fcfa que nous avons remis à notre interlocuteur il remet en retour 18 mille Fcfa en coupures neuves de 1000 Fcfa. «Chef c’est comme ça ici, les 500 Fcfa et 1000 Fcfa que nous prenons représentent notre commission sur la transaction», fait savoir sans gêne notre interlocuteur. Avant de se lancer à la conquête d’un autre client. Il est 12 heures, Agodi, notre compagnon qui était allé faire des emplettes est de retour. Il faut prendre à présent la route. Ce que nous avons fait tout en promettant de fourrer bientôt le nez sur ces transactions de billet de banques. Tenez vous bien, les acteurs de ce marché noir ne payent ni taxe ni impôts à l’Etat. A la différence des autres cambistes qui travaillent non seulement dans la légalité mais sont agréés par le Trésor Public. Dès notre retour de Gagnoa trois jours après, nous nous remettons à l’ouvrage. Au fait, cette activité devant l’Agence nationale est–elle un fait isolé ou elle est commune aux autres Etat de l’Uemoa. ? Pourquoi fréquenter ces usuriers des temps modernes au lieu d’aller se faire servir en petites monnaies aux guichets des banques ?
Une clientèle de «boucantier»
Autant d'interrogations qui ne manquent pas d'aiguiser notre curiosité. Rien que de l'argent mais surtout des billets neufs. Dayoro P., reporter photographe, par ailleurs très friand des petites coupures neuves et très habitué à ces commerçants révèle que même si, au terme des négociations, le marchand prend une commission, cela permet d’avoir constamment sur lui, de petites coupures très craquantes. «Quand un parent vient te voir ou quand vous allez rendre visite à un parent, au lieu d’acheter quelque chose pour avoir la monnaie, vous arrivez facilement à lui glisser un joli billet neuf qui fait souvent plaisir» relate-t-il, corroborant ses dires par des billets de banques neufs qu'il nous présente. Autre client, autre point de vue sur le "marché". G.Koffi, enseignant-sociologue de son état, dans une université privée d’Abidjan que nous avons accosté sur l’esplanade du Centre Culturel français d’Abidjan, explique davantage : «L’attrait vers ce marché noir s’expliquerait en partie par la préférence des billets neufs au cours de certaines cérémonies. Notamment les funérailles, les mariages traditionnels et les baptêmes dans certaines communautés». Quant à Y.K. ancien cadre de la Bceao, il ne fait qu'enfoncer le clou. Il soutient que cette pratique est propre à la Côte d'Ivoire : “Ce qui se passe devant l’agence nationale de la Bceao est un phénomène propre à la Côte d’Ivoire qui a pris de l’ampleur vers la fin des années 1990 et début 2000. Certainement à cause de la pauvreté et du manque d’emplois. Aussi, nulle part dans les autres Etats membres vous verrez cela devant les Agences nationales”. Et de poursuivre d'un ton amer et défaitiste : “Que ce soit mon prédécesseur tout comme moi, nous avons entrepris des actions contre ces cambistes. J’ai même écrit à l’époque au Procureur de la République et aux autorités policières pour les déguerpir. Malheureusement, à part les actions sporadiques, les actions initiées ne sont pas allées loin”.
Une activité tolérée
Car, justifie-t-il, dans le droit positif ivoirien, cette activité de vente de billets neufs, n’est pas considérée comme un délit. «C’est donc un mauvais procès qu’on fait à la Bceao. Qui par ailleurs n’est pas habilitée à les dégager. L’action se passant sur la voie publique…», dit-il. «La Bceao a produit beaucoup de notes de service dans ce sens mais je pense que la communication a fait défaut. Mais que peut un Directeur national dont le pouvoir ne dépasse pas la clôture de l’Agence nationale, contre ce genre de pratique. Qui à la vérité, ne consiste pas à dévaluer le Fcfa. Car, la dévaluation d’une monnaie consiste à modifier sa valeur externe par rapport à une monnaie de référence, ou un panier de monnaies. En approvisionnant les banques primaires chaque matin, en petites coupures, la Bceao ne peut présager ce que les guichetiers de ces banques en feraient», argumente Y. K. L’air très préoccupé par ce phénomène qui écorche tout de même l’image de la Bceao depuis des années. En tout état de cause, ce qui se passe ici, n’est ni plus ni moins, que la rémunération d’un service rendu. Il est temps que les Ivoiriens tout comme les autres populations de l’espace Uemoa changent de comportement et optent pour les cartes de crédit. Car, à terme, il y a un risque potentiel d’écoulement de billets contrefaits. La Cellule Nationale de Traitement de l’Information Economique et Financière en Côte d’Ivoire (Centif-Ci) est interpellée.
Bamba Mafoumgbé, bamaf2000@yahoo.fr
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