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Politique Publié le vendredi 14 septembre 2012 | Nord-Sud

Régulation de la circulation, les volontaires se revolent : Ils veulent être payés par mois !

Les pneus de voitures leur marchent dessus, les usagers les injurient à longueur de journée, la police les traque... Malgré tout les volontaires qui régulent la circulation abattent le sale boulot. Reportage sur un phénomène ambigu qui tend à prendre de l’ampleur.

Attardons nous sur cette image :carrefour Sainte-Bernadette de Marcory, au niveau d’une station-service. Un fourgon blanc de la police avec les inscriptions D-6 est arrêté par un jeune volontaire qui régule la circulation, après un strident coup de sifflet. Il donne la priorité aux véhicules qui viennent à sa gauche avant de laisser passer le fourgon. Les policiers sourient devant la scène en s’en allant. Le jeune en question se nomme Brou Isidor. Son acte n’a rien d’héroïque, il fait seulement son ‘’boulot’’. Pourtant, Isidor a maintes fois été mis en garde par les éléments du 6ème arrondissement de Marcory qui n’aiment guère le voir faire leur job à leur place. Mais ce gaillard à la quarantaine entamée n’en a cure. Lui et ses potes, Adamo et Christine, se relayent à ce carrefour dépourvu de feux tricolores depuis déjà 10 ans. Ils sont habitués aux embouteillages. Chaque jour, de 9h à 20h, ils aident les nombreux automobilistes de cette zone à éviter le piège du carrefour Sainte-Bernadette. Car, le moindre accrochage ici entraîne la paralysie de plusieurs voies. Sa paie ? Des piécettes de 50 à 500 FCFA que des automobilistes généreux acceptent jeter sous ses pieds après avoir lancé au-dessus de leur portière: «Bon courage». A la fin de la journée, il s’en tire parfois avec 2.000 FCFA. Mais au prix de quoi ? Des pneus de véhicules lui marchent dessus, des «chauffards» manquent de le renverser. «Il faut faire très attention ici», dit-il. Marié et père de 3 enfants, Brou Idisor prie pour que les autorités daignent se pencher sur le cas des dizaines de jeunes volontaires qui régulent la circulation à Marcory. Et peut-être la centaine, à Abidjan. «Il n’y a pas assez de feux tricolores ici.
Sans nous, il allait y avoir beaucoup
d’em­bouteillages. Si on pouvait nous organiser pour aider la police, ça serait
bien». Culotté? Non, à entendre Adama Breté qui régule la circulation au niveau du carrefour «Minime», devant le marché de Marcory. Et il sait de quoi il parle. Lui qui endure à longueur de journée, le soleil, la faim, la fatigue, et a même été cogné par un wôrô-wôrô (véhicule de transport en commun). Pour lui, il est temps de les organiser et leur proposer ce qu’il appelle «un petit quelque chose». A côté de lui, Guéhi Nestor, l’un des anciens de la chose renchérit : «Nous ne faisons rien de mal. Tout ce que nous voulons, c’est aider la police». Mais peut-on vraiment parler d’aide? A Cocody où le phénomène prospère au nez et à la barbe de l’Unité de régulation de la circulation (Urc), ce n’est pas l’impression qu’on a. «Toi, on t’a dit de ne plus venir ici !» Un jour de mars 2011, la police du 32ème arrondissement arrête Doueugbeu Narcisse pour la troisième fois alors qu’il s’attèle à réguler la circulation au niveau du «pont chinois», aux II-Plateaux. Il passera deux jours au cachot. A sa sortie du commissariat, ce père d’un enfant qui habite Adjamé-zoo, ira quand même sur les lieux. Depuis cette journée, il n’a pas encore été arrêté. Mais ce mercredi 12 septembre 2012, il se méfie. En régulant la circulation, Doueugbeu fait attention aux pick-up estampillés Police. Au point où on se demande pourquoi se donner tant de mal pour une recette journalière qui n’excède jamais les 2.000 FCFA ? Le garçon pointe le manque d’emploi. Est-ce une raison pour marcher sur les plates-bandes de la police ? «Il y avait trop d’accidents ici, explique-t-il. Les automobilistes qui viennent d’Angré, pensent qu’ils ont la priorité, ceux qui viennent du côté du pont chinois disent que ce sont eux qui ont la priorité. Mais depuis que j’ai commencé à réguler la circulation, les accidents ont baissé». Doueugbeu se voit en sauveur, même s’il n’a pas reçu la formation des agents de l’Unité de régulation de la circulation (Urc). Malgré ses gestes précis, et l’autorité qui émane de ses bruits de sifflet, il doit cependant travailler son timing. Par exemple, il arrête pendant trop longtemps les véhicules sur la voie principale qui part d’Angré vers Cocody, pour laisser passer ceux qui viennent de la Riviera et qui se dirigent vers le boulevard Latrille. Si bien qu’un chauffeur de taxi pressé lui fait des remontrances en sortant la tête par-dessus la portière. Le garçon hausse les épaules : «c’est mieux que rester à la maison». Mais la vérité, c’est qu’il ne cesse de se poser cette question : est-il un héros de la route ou un zéro ?

Raphaël Tanoh



Et la police dans tout ça ?

«Ce n’est pas leur boulot», tranche Siaka Dosso, le commissaire principal et préfet de police adjoint d’Abidjan qui a accepté de se prononcer brièvement sur la question. Pour lui, cette tâche est dévolue à la police, et principalement à l’unité de régulation de la circulation, et non à n’importe qui. «Il faut mettre de l’ordre dans le milieu», lâche-t-il. Mais la réalité est que l’Urc ne peut couvrir tout le district. En attendant de trouver une solution à ce problème, Siaka Dosso parle de «régulariser le secteur». La tension entre les policiers et ces jeunes volontaires n’est donc pas prête de prendre fin. Quoique les actions posées des derniers cités réduisent le désordre. La plupart des automobilistes qui se sont prononcés sur la question saluent au contraire leur bravoure. Il est peut-être temps de faire un «petit quelque chose» pour eux.
R.T



La défaillance des feux tricolores en cause

L’une des principales raisons du foisonnement de volontaires pour réguler la circulation, c’est l’absence de feux tricolores aux différents carrefours. Quand bien même ils sont là, la plupart ne marche pas. En août dernier, Bouaké Fofana, directeur général de l’Agence de gestion des routes, (Ageroute) avait situé les responsabilités. Selon lui, l’Etat reste devoir aux prestataires de service en charge de la maintenance du parc de feux tricolores. Les arriérés se chiffrent à quelque quatre milliards de FCFA. Aujourd’hui, selon lui, il faut des moyens conséquents pour remplacer les équipements de plus de 30 ans. «Il nous faut réfléchir à la sécurisation de ces installations qui sont non seulement cons­tamment détruites à la suite des accidents de la circulation, mais aussi à la faveur des mouvements de rues», indiquait-il. Demandant le civisme aux Ivoiriens pour la protection des installations existantes. C’est dire que les volontaires ont toujours le feu vert pour continuer à réguler la circulation.

R.T
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