Les membres du Réseau des Journalistes pour le Management, le Développement d’entreprise et l’Entreprenariat (RJ-MDE) ont effectué les vendredi 9 et samedi 10 septembre dernier une visite des plantations de l’usine de Tropical Rubber Côte d’Ivoire (TRCI) à Anguededou, dans la commune de Songon, sur la route de Dabou.
A travers cette incursion du RJMDE dans les locaux de la société, il s’agissait pour Guy Assane Yapi, le président du réseau, et ses camarades, de s’imprégner des réalités de la filière hévéa qui connait des problèmes avec la chute drastique des cours du caoutchouc. « La filière hévéa fait-elle encore rêver ? » Tel était justement le thème de ces « journées découvertes » qui ont mobilisé l’ensemble du personnel de TRCI, de la direction générale aux pépiniéristes et aux saigneurs. En l’absence de Joseph Désiré Bilé, président directeur général de la société créée à la suite du vaste programme de privatisation, c’est le directeur général adjoint Wang Ryan, le directeur des plantations Yao Boué et le directeur de l’usine, Azoh Cristophe, qui ont entretenu les journalistes. Une politique axée sur les plantations villageoises Il ressort que c’est en 1995 que les dirigeants de l’entreprise qui a pour partenaire GMG Singapour ont décidé de porter à 80 tonnes la capacité journalière de production du caoutchouc sec contre 10 à 20 tonnes initialement. En 2008, la capacité de production passe de 80 tonnes/j à 120 tonnes/j. Aujourd’hui, TRCI compte parmi ses clients des géants de la pneumatique comme Goodyear. La société dispose de 1415 hectares d’hévéa mais plus de 90% des stocks de caoutchouc humide traités par l’usine est issue des plantations villageoises. Cette production est collectée à partir d’une quinzaine de ponts bascule répartis sur l’ensemble du territoire national. « Pour éviter les pénuries de stocks, le président a très vite développé une politique qui consiste à nous rapprocher des producteurs. » « Si vous décidez d’être plus proches des planteurs, il faut créer un maximum de ponts bascules. C’est clair que cela va générer des coûts de transport. En 2015, la quantité de caoutchouc humide achetée avec les planteurs nous a couté 13,8 milliards de Fcfa entièrement soldés. Le coût de transport associé à cela se situe entre 600 et 700 millions de Fcfa. Ce montant rentre bien évidemment dans le coût d’achat de cette matière première », explique Azoh Christophe. Ainsi au cours de l’année, ce sont des quantités importantes qui sont achetées aux planteurs. En janvier 2015, on note 3000 tonnes mais plus de 6000 tonnes en juin, juillet et aout 2016. A la date du 10 septembre, le volume acheté plafonne à 4000 tonnes. En 2015, le volume de caoutchouc usiné est de 28598,535 tonnes contre 37090,585 tonnes en 2014 et 355634, 970 tonnes en 2013. En 2010, la société avait doublé son chiffre d’affaires. De 18 milliards en 2009, il passe en un an à 37,83 milliards de Fcfa et en 2011, juste après la certification Iso 9001 version 2008, on passe à 67 milliards de Fcfa. Soit du simple au double. Mais avec la baisse amorcée des cours, le chiffre d’affaires tombe à 57,14 milliards en 2012, puis à 42,83 en 2013 ; 36,38 milliards en 2014 et 26,413 milliards de Fcfa en 2015. L’entreprise compte aujourd’hui près de 1500 emplois directs et des milliers d’emplois indirects. A en croire le directeur de l’usine, tout fonctionne bien dans l’entreprise qui paie ses fournisseurs, les planteurs et mène des actions sociales au bénéfice des communautés riveraines. Un impact durement ressenti L’impact de la baisse drastique des cours est autant ressenti par les producteurs surtout individuels que les industriels et les usiniers. A preuve, en 2011, TRCI réalise un chiffre d’affaires de 62 milliards de Fcfa pour 29000 tonnes. En 2015, l’entreprise enlève 288000 tonnes d’hé- véa pour un chiffe d’affaires de 26 milliards. En 2010-2011, l’usinier avait le kilogramme de caoutchouc à 2000 – 2500 Fcfa. Aujourd’hui, le montant ne dépasse pas un euro, soit 660-670 Fcfa. Les usiniers déjà confrontés à une véritable saignée au niveau de leur trésorerie subiront en plus la fameuse taxe de 5% sur le chiffre d’affaires, suspendu actuellement parce qu’on ne peut vendre à 1000 Fcfa. L’impact de la baisse des cours est donc réel. Ceux des usiniers qui n’ont pas jugé utile d’engager le débat avec le gouvernement à la mise en place de cette taxe ont dû déchanter. Finalement dans le secteur, tous les usiniers, quelle que soit leur taille, sont sinistrés. De réelles opportunités malgré tout pour la Côte d’Ivoire Le secteur présente néanmoins de réelles opportunités pour l’Afrique et la Côte d’Ivoire, malgré la chute des cours. La main d’œuvre qui, en son temps, n’était pas chère, est devenue très chère en Indonésie. Et tous les investisseurs veulent se déplacer pour venir vers l’Afrique. Pourvu que ça se passe dans le calme et la quiétude. L’entreprise a procédé à la construction de nouveaux bâtiments dont le coût s’élève à plus de 150 millions de Fca. L’acquisition du matériel est en cours pour un montant de plus de 100 millions de Fcfa. Pour 2016-2017, d’autres investissements sont prévus pour permettre au projet d’extension de l’usine de prendre forme. Le directeur général adjoint de l’usine, Wang Rayan, a réaffirmé la volonté de l’usine de faire une extension de ses installations en créant une usine ailleurs. Mais le PDG Joseph Désiré Bilé préfère dans un premier temps faire l’extension au niveau d’Anguededou. Car la société a une situation géographique formidable, étant à 26 kilomètres seulement du port d’Abidjan. « Si vous allez faire une usine à 600 km, vous serez dans tous les cas obliger de transporter la matière finie au port. Donc si nous avons la possibilité de faire en même temps cette extension à notre niveau ici, ce serait l’idéal. Nous faisons donc la part belle pour l’instant à notre site principal où on peut des extensions pour minimiser nos coûts, surtout en matière de transport », a expliqué Wang Rayan. « Il n’y a pas de risques par rapport à nos approvisionnements en matières premières. Un programme du Fonds de développement de l’hévéaculture (FDH), d’une dizaine d’années, qui a débuté en 2008 et qui devrait prendre fin en 2018, a consisté à étendre le verger national. Du matériel végétal, c’est-à-dire les pépinières, a été mis à la disposition des promoteurs hévéicoles pour faire leurs plantations. C’était une subvention mais en termes de matériel végétal. Il y a près de 30000 hectares qui ont été plantés et qui doivent rentrés en production », rassure Azo Christophe. Combattre la démotivation des producteurs Le directeur des plantations, Yao Boué, admet que les producteurs peuvent être démotivés à cause des cours relativement bas du caoutchouc par rapport à ce qui était il y a deux ou trois ans. Mais si les cours sont très défavorables aujourd’hui, il fait remarquer que l’hé- véaculture est, de toutes les cultures pérennes en Côte d’Ivoire, l’une ou la seule qui permet au producteurs d’avoir un revenu mensuel. Il est donc difficile pour le planteur qui est déjà habitué à avoir un revenu mensuel d’arrêter et de raser un matin son exploitation. « C’est vrai, son revenu peut ne pas être le même qu’avant, mais il a toujours un revenu, contrairement aux autres. Et je peux vous assurer que le planteur d’hé- véa n’aura pas l’intention de changer de secteur parce que la filière hévéicole aujourd’hui est l’une des meilleures. C’est l’un des secteurs qui rapportent le plus au monde. Quand vous faites une comparaison avec les autres, on remarque qu’ailleurs la production c’est une ou deux fois l’année. La production d’hévéa, vous l’avez au moins dix fois dans l’année si vous faites votre arrêt de saignée quand les feuilles de tombent. Vous avez dix mois sur douze de production, donc même quand le prix est bas, 265 Fcfa/kg aujourd’hui, prix APROMAC, quand vous multipliez ce prix par 10, vous avez 2650 Fcfa », explique le directeur des plantations. Pour Yao Boué, le planteur d’hévéa a des raisons d’être motivé parce qu’il a été habitué à gagner beaucoup d’argent auparavant avec les mêmes productions. Mais il faut remarquer que les prix fluctuent. Il y a des années où le prix était à 100 - 150 Fcfa quand il y a des années où c’était à 1000 Fcfa. « A 265, c’est grave mais ce n’est pas catastrophique », martèle le collaborateur de Joseph Désiré Bilé. Le DGA Wang Rayan indiquera que pour les motiver, TRCI a l’habitude d’accorder des primes de 5F voire plus aux planteurs. Des primes qui servent d’abord à fidéliser le planteur et à s’assurer qu’il donne toujours sa production à la compagnie. Mais ces deux derniers mois, TRCI a dû arrêter parce le volume de caoutchouc qu’elle reçoit par jour a considérablement augmenté. Pour une capacité de 1000 que la compagnie peut recevoir par jour, elle est aujourd’hui à près de 3000 tonnes/j. C’est pourquoi les dirigeants de l’entreprise ont décidé d’arrêter les primes mais de tout faire pour acheter toutes les productions acheminer vers ses entrepôts. « Au moment où les gens sont en train d’arrê- ter de prendre la productions des planteurs, nous voulons continuer à prendre cette production pour les aider en cette période de rentrée scolaire, à pouvoir scolariser leurs enfants. Vu le stock de caoutchouc dont nous disposons à l’usine, on aurait pu arrêter mais le PDG a donné des instructions formelles pour qu’on continue à prendre. Seulement qu’on ne peut plus donner de primes dans ces conditions », soutient le Chinois. Il rappelle que la société a des liens très poussés avec les planteurs qui sont au centre de ses activités. Mais aujourd’hui, fait-il remarquer, le marché du caoutchouc est devenu difficile. « Par rapport aux liens qui nous lient aux producteurs, nous sommes tenus de prendre leur production et nous ferons en sorte de toujours tenir cet engagement », rassure le DGA. La longue attente à l’entrée du complexe agro-industriel Interpellés sur la file d’attente des producteurs constatée à l’entrée du complexe agro industriel, le directeur des plantations, Boué Yao a indiqué que celle-ci constitue un baromètre. Cela dénote de l’importance du nombre de planteurs que TRCI reçoit chaque jour. « On est vraiment désolés. On n’a pas envie de faire trainer le planteur mais quand ils sont nombreux à être au pont, chacun doit attendre son tour pour pouvoir accéder au pont.» Le directeur de l’usine, Azo Christophe, dira lui que la fixation du prix du caoutchouc naturel ne peut pas dépendre des Africains, encore moins de la Côte d’Ivoire. Selon lui, la production africaine représente moins de 5% de la production mondiale. Le continent n’est donc pas représentatif. Par ailleurs, il n’y a pas de lobby à Singapour qui fixerait le prix du caoutchouc, comme beaucoup tentent de le faire croire. « Je veux comparer l’hé- véaculture à la cacaoculture. On a la bourse du cacao à Londres, c’est là bas que tout se décide. Il y a des mécanismes de fixation de ses cours. Pour le caoutchouc, la bourse est à Singapour. L’Apromac qui est l’une des faitières les mieux organisées dans le monde fait le point aux planteurs de caoutchouc sur cette base », explique-t-il. Le coup de cœur de l’usinier TRCI comme tous les autres usiniers reprochent à l’Etat d’avoir asséché en très peu de temps leur trésorerie. C’est que l’Etat a instauré une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaire du caoutchouc. Cette taxe qui, au départ était de 5% pour toutes les exportations, a été ramenée, après négociations entre l’Etat et les usiniers, à 2,5% à partir de 1000 Fcfa/kg exporté. Aujourd’hui, le coût est nettement en dessous de 1000 Fcfa. Les usiniers vont à l’export à peine à 660-670 Fcfa. « Pour l’instant, cette taxe est suspensive, puisque nous sommes en dessous de 1000 Fcfa », fait remarquer un des responsables de l’entreprise. « Cette taxe de 5% a failli tuer la filière. TRCI a déboursé près de 5 milliards de Fcfa entre 2011 et 2012 pour cette taxe indexée directement sur le chiffre d’affaires. Du jamais vu ailleurs. Cette taxe reposant sur le chiffre d’affaires, c’était difficile pour une société comme TRCI qui n’a pas de grandes plantations. C’était un handicap pour nous et cette taxe a appauvri notre trésorerie. Avant quand vous arrivez à l’entrée de TRCI, c’était comme une bourse. Quand vous livriez, en deux minutes vous avez votre argent. Mais cette taxe a appauvri notre trésorerie », déplore un haut cadre de l’entreprise. Pour ce qui concerne le remboursement de crédits de TVA, les choses se passent bien par contre. L’Etat a apuré totalement les crédits de TVA de TRCI pour l’année 2015, estimés à environ un milliard de Fcfa. Et en 2016, l’entreprise n’enregistre pas de crédits Tva non remboursés pour le premier trimestre 2016.
« Par comparaison, en Afrique, en Asie, la filière hévéicole en Côte d’Ivoire est l’une des mieux organisées. Toutes les entités, tous les pays qui font de l’hévéaculture, viennent copier sur la Côte d’Ivoire. Nous sommes un exemple en Afrique », a souligné le directeur de l’usine. Le directeur de l’usine est formel : TRCI est le salut des producteurs qui n’ont pas d’autre alternative. Les deux majors ayant leurs propres plantations, quand les cours sont mauvais, ils préfèrent prendre la matière première prioritairement dans leurs exploitations. Leurs ponts sont donc pratiquement fermés et il n’y a que TRCI qui achète. « Il y a de l’espoir dans le caoutchouc » Selon les explications, 70% de la production mondiale de caoutchouc vont dans la pneumatique. « On a eu des prix bas, jusqu’à 180 ou 150 Fcfa. Mais aujourd’hui, 265 – 270 Fcfa prix Apromac, c’est déjà mieux », rassure le directeur. La Chine qui est le plus grand consommateur de caoutchouc naturel avait fait un stockage très important. Elle est train d’effectuer un déstockage. C’est ce qui explique la baisse de la demande chinoise. Or la production du caoutchouc mondial est toujours stable. On ne peut donc pas tabler à long terme sur une chute drastique du prix du caoutchouc. La situation actuelle de malaise du caoutchouc dans le monde, il l’explique également par la crise du pétrole. Qui parle de pétrole, explique-t-il, parle de secteur automobile. Aujourd’hui, un véhicule a près de 60% de composés à base de caoutchouc naturel. « La Côte d’Ivoire et l’Afrique ne représente rien dans ce débat. En son temps, les gens avaient tenté d’expérimenter le caoutchouc synthétique. Mais quand il y a eu des crashs, les investigations ont montré que le pneumatique qui avait explosé provenait du caoutchouc synthétique. Les gens vont vouloir se détourner du caoutchouc naturel, mais ils reviendront toujours. Donc, bon an mal an, le caoutchouc naturel ne disparaitra pas », souligne le directeur de l’usine, qui fait remarquer que le secteur attire davantage d’investisseurs. A preuve, des grosses multinationales comme OLAM, qui font des prospectives sur 10-50 ans, rentrent aujourd’hui dans le secteur du caoutchouc. « Il y a de l’espoir dans le caoutchouc. Mais que nos parents planteurs apprennent à gérer leurs revenus parce que quand le cours d’une spéculation est à 1000 Fcfa/kg, vous faites une tonne vous avez un million de Fcfa, il faut s’attendre à ce qu’un jour ça chute », a conclu Azo Christophe.
Emmanuel Akani
A travers cette incursion du RJMDE dans les locaux de la société, il s’agissait pour Guy Assane Yapi, le président du réseau, et ses camarades, de s’imprégner des réalités de la filière hévéa qui connait des problèmes avec la chute drastique des cours du caoutchouc. « La filière hévéa fait-elle encore rêver ? » Tel était justement le thème de ces « journées découvertes » qui ont mobilisé l’ensemble du personnel de TRCI, de la direction générale aux pépiniéristes et aux saigneurs. En l’absence de Joseph Désiré Bilé, président directeur général de la société créée à la suite du vaste programme de privatisation, c’est le directeur général adjoint Wang Ryan, le directeur des plantations Yao Boué et le directeur de l’usine, Azoh Cristophe, qui ont entretenu les journalistes. Une politique axée sur les plantations villageoises Il ressort que c’est en 1995 que les dirigeants de l’entreprise qui a pour partenaire GMG Singapour ont décidé de porter à 80 tonnes la capacité journalière de production du caoutchouc sec contre 10 à 20 tonnes initialement. En 2008, la capacité de production passe de 80 tonnes/j à 120 tonnes/j. Aujourd’hui, TRCI compte parmi ses clients des géants de la pneumatique comme Goodyear. La société dispose de 1415 hectares d’hévéa mais plus de 90% des stocks de caoutchouc humide traités par l’usine est issue des plantations villageoises. Cette production est collectée à partir d’une quinzaine de ponts bascule répartis sur l’ensemble du territoire national. « Pour éviter les pénuries de stocks, le président a très vite développé une politique qui consiste à nous rapprocher des producteurs. » « Si vous décidez d’être plus proches des planteurs, il faut créer un maximum de ponts bascules. C’est clair que cela va générer des coûts de transport. En 2015, la quantité de caoutchouc humide achetée avec les planteurs nous a couté 13,8 milliards de Fcfa entièrement soldés. Le coût de transport associé à cela se situe entre 600 et 700 millions de Fcfa. Ce montant rentre bien évidemment dans le coût d’achat de cette matière première », explique Azoh Christophe. Ainsi au cours de l’année, ce sont des quantités importantes qui sont achetées aux planteurs. En janvier 2015, on note 3000 tonnes mais plus de 6000 tonnes en juin, juillet et aout 2016. A la date du 10 septembre, le volume acheté plafonne à 4000 tonnes. En 2015, le volume de caoutchouc usiné est de 28598,535 tonnes contre 37090,585 tonnes en 2014 et 355634, 970 tonnes en 2013. En 2010, la société avait doublé son chiffre d’affaires. De 18 milliards en 2009, il passe en un an à 37,83 milliards de Fcfa et en 2011, juste après la certification Iso 9001 version 2008, on passe à 67 milliards de Fcfa. Soit du simple au double. Mais avec la baisse amorcée des cours, le chiffre d’affaires tombe à 57,14 milliards en 2012, puis à 42,83 en 2013 ; 36,38 milliards en 2014 et 26,413 milliards de Fcfa en 2015. L’entreprise compte aujourd’hui près de 1500 emplois directs et des milliers d’emplois indirects. A en croire le directeur de l’usine, tout fonctionne bien dans l’entreprise qui paie ses fournisseurs, les planteurs et mène des actions sociales au bénéfice des communautés riveraines. Un impact durement ressenti L’impact de la baisse drastique des cours est autant ressenti par les producteurs surtout individuels que les industriels et les usiniers. A preuve, en 2011, TRCI réalise un chiffre d’affaires de 62 milliards de Fcfa pour 29000 tonnes. En 2015, l’entreprise enlève 288000 tonnes d’hé- véa pour un chiffe d’affaires de 26 milliards. En 2010-2011, l’usinier avait le kilogramme de caoutchouc à 2000 – 2500 Fcfa. Aujourd’hui, le montant ne dépasse pas un euro, soit 660-670 Fcfa. Les usiniers déjà confrontés à une véritable saignée au niveau de leur trésorerie subiront en plus la fameuse taxe de 5% sur le chiffre d’affaires, suspendu actuellement parce qu’on ne peut vendre à 1000 Fcfa. L’impact de la baisse des cours est donc réel. Ceux des usiniers qui n’ont pas jugé utile d’engager le débat avec le gouvernement à la mise en place de cette taxe ont dû déchanter. Finalement dans le secteur, tous les usiniers, quelle que soit leur taille, sont sinistrés. De réelles opportunités malgré tout pour la Côte d’Ivoire Le secteur présente néanmoins de réelles opportunités pour l’Afrique et la Côte d’Ivoire, malgré la chute des cours. La main d’œuvre qui, en son temps, n’était pas chère, est devenue très chère en Indonésie. Et tous les investisseurs veulent se déplacer pour venir vers l’Afrique. Pourvu que ça se passe dans le calme et la quiétude. L’entreprise a procédé à la construction de nouveaux bâtiments dont le coût s’élève à plus de 150 millions de Fca. L’acquisition du matériel est en cours pour un montant de plus de 100 millions de Fcfa. Pour 2016-2017, d’autres investissements sont prévus pour permettre au projet d’extension de l’usine de prendre forme. Le directeur général adjoint de l’usine, Wang Rayan, a réaffirmé la volonté de l’usine de faire une extension de ses installations en créant une usine ailleurs. Mais le PDG Joseph Désiré Bilé préfère dans un premier temps faire l’extension au niveau d’Anguededou. Car la société a une situation géographique formidable, étant à 26 kilomètres seulement du port d’Abidjan. « Si vous allez faire une usine à 600 km, vous serez dans tous les cas obliger de transporter la matière finie au port. Donc si nous avons la possibilité de faire en même temps cette extension à notre niveau ici, ce serait l’idéal. Nous faisons donc la part belle pour l’instant à notre site principal où on peut des extensions pour minimiser nos coûts, surtout en matière de transport », a expliqué Wang Rayan. « Il n’y a pas de risques par rapport à nos approvisionnements en matières premières. Un programme du Fonds de développement de l’hévéaculture (FDH), d’une dizaine d’années, qui a débuté en 2008 et qui devrait prendre fin en 2018, a consisté à étendre le verger national. Du matériel végétal, c’est-à-dire les pépinières, a été mis à la disposition des promoteurs hévéicoles pour faire leurs plantations. C’était une subvention mais en termes de matériel végétal. Il y a près de 30000 hectares qui ont été plantés et qui doivent rentrés en production », rassure Azo Christophe. Combattre la démotivation des producteurs Le directeur des plantations, Yao Boué, admet que les producteurs peuvent être démotivés à cause des cours relativement bas du caoutchouc par rapport à ce qui était il y a deux ou trois ans. Mais si les cours sont très défavorables aujourd’hui, il fait remarquer que l’hé- véaculture est, de toutes les cultures pérennes en Côte d’Ivoire, l’une ou la seule qui permet au producteurs d’avoir un revenu mensuel. Il est donc difficile pour le planteur qui est déjà habitué à avoir un revenu mensuel d’arrêter et de raser un matin son exploitation. « C’est vrai, son revenu peut ne pas être le même qu’avant, mais il a toujours un revenu, contrairement aux autres. Et je peux vous assurer que le planteur d’hé- véa n’aura pas l’intention de changer de secteur parce que la filière hévéicole aujourd’hui est l’une des meilleures. C’est l’un des secteurs qui rapportent le plus au monde. Quand vous faites une comparaison avec les autres, on remarque qu’ailleurs la production c’est une ou deux fois l’année. La production d’hévéa, vous l’avez au moins dix fois dans l’année si vous faites votre arrêt de saignée quand les feuilles de tombent. Vous avez dix mois sur douze de production, donc même quand le prix est bas, 265 Fcfa/kg aujourd’hui, prix APROMAC, quand vous multipliez ce prix par 10, vous avez 2650 Fcfa », explique le directeur des plantations. Pour Yao Boué, le planteur d’hévéa a des raisons d’être motivé parce qu’il a été habitué à gagner beaucoup d’argent auparavant avec les mêmes productions. Mais il faut remarquer que les prix fluctuent. Il y a des années où le prix était à 100 - 150 Fcfa quand il y a des années où c’était à 1000 Fcfa. « A 265, c’est grave mais ce n’est pas catastrophique », martèle le collaborateur de Joseph Désiré Bilé. Le DGA Wang Rayan indiquera que pour les motiver, TRCI a l’habitude d’accorder des primes de 5F voire plus aux planteurs. Des primes qui servent d’abord à fidéliser le planteur et à s’assurer qu’il donne toujours sa production à la compagnie. Mais ces deux derniers mois, TRCI a dû arrêter parce le volume de caoutchouc qu’elle reçoit par jour a considérablement augmenté. Pour une capacité de 1000 que la compagnie peut recevoir par jour, elle est aujourd’hui à près de 3000 tonnes/j. C’est pourquoi les dirigeants de l’entreprise ont décidé d’arrêter les primes mais de tout faire pour acheter toutes les productions acheminer vers ses entrepôts. « Au moment où les gens sont en train d’arrê- ter de prendre la productions des planteurs, nous voulons continuer à prendre cette production pour les aider en cette période de rentrée scolaire, à pouvoir scolariser leurs enfants. Vu le stock de caoutchouc dont nous disposons à l’usine, on aurait pu arrêter mais le PDG a donné des instructions formelles pour qu’on continue à prendre. Seulement qu’on ne peut plus donner de primes dans ces conditions », soutient le Chinois. Il rappelle que la société a des liens très poussés avec les planteurs qui sont au centre de ses activités. Mais aujourd’hui, fait-il remarquer, le marché du caoutchouc est devenu difficile. « Par rapport aux liens qui nous lient aux producteurs, nous sommes tenus de prendre leur production et nous ferons en sorte de toujours tenir cet engagement », rassure le DGA. La longue attente à l’entrée du complexe agro-industriel Interpellés sur la file d’attente des producteurs constatée à l’entrée du complexe agro industriel, le directeur des plantations, Boué Yao a indiqué que celle-ci constitue un baromètre. Cela dénote de l’importance du nombre de planteurs que TRCI reçoit chaque jour. « On est vraiment désolés. On n’a pas envie de faire trainer le planteur mais quand ils sont nombreux à être au pont, chacun doit attendre son tour pour pouvoir accéder au pont.» Le directeur de l’usine, Azo Christophe, dira lui que la fixation du prix du caoutchouc naturel ne peut pas dépendre des Africains, encore moins de la Côte d’Ivoire. Selon lui, la production africaine représente moins de 5% de la production mondiale. Le continent n’est donc pas représentatif. Par ailleurs, il n’y a pas de lobby à Singapour qui fixerait le prix du caoutchouc, comme beaucoup tentent de le faire croire. « Je veux comparer l’hé- véaculture à la cacaoculture. On a la bourse du cacao à Londres, c’est là bas que tout se décide. Il y a des mécanismes de fixation de ses cours. Pour le caoutchouc, la bourse est à Singapour. L’Apromac qui est l’une des faitières les mieux organisées dans le monde fait le point aux planteurs de caoutchouc sur cette base », explique-t-il. Le coup de cœur de l’usinier TRCI comme tous les autres usiniers reprochent à l’Etat d’avoir asséché en très peu de temps leur trésorerie. C’est que l’Etat a instauré une nouvelle taxe sur le chiffre d’affaire du caoutchouc. Cette taxe qui, au départ était de 5% pour toutes les exportations, a été ramenée, après négociations entre l’Etat et les usiniers, à 2,5% à partir de 1000 Fcfa/kg exporté. Aujourd’hui, le coût est nettement en dessous de 1000 Fcfa. Les usiniers vont à l’export à peine à 660-670 Fcfa. « Pour l’instant, cette taxe est suspensive, puisque nous sommes en dessous de 1000 Fcfa », fait remarquer un des responsables de l’entreprise. « Cette taxe de 5% a failli tuer la filière. TRCI a déboursé près de 5 milliards de Fcfa entre 2011 et 2012 pour cette taxe indexée directement sur le chiffre d’affaires. Du jamais vu ailleurs. Cette taxe reposant sur le chiffre d’affaires, c’était difficile pour une société comme TRCI qui n’a pas de grandes plantations. C’était un handicap pour nous et cette taxe a appauvri notre trésorerie. Avant quand vous arrivez à l’entrée de TRCI, c’était comme une bourse. Quand vous livriez, en deux minutes vous avez votre argent. Mais cette taxe a appauvri notre trésorerie », déplore un haut cadre de l’entreprise. Pour ce qui concerne le remboursement de crédits de TVA, les choses se passent bien par contre. L’Etat a apuré totalement les crédits de TVA de TRCI pour l’année 2015, estimés à environ un milliard de Fcfa. Et en 2016, l’entreprise n’enregistre pas de crédits Tva non remboursés pour le premier trimestre 2016.
« Par comparaison, en Afrique, en Asie, la filière hévéicole en Côte d’Ivoire est l’une des mieux organisées. Toutes les entités, tous les pays qui font de l’hévéaculture, viennent copier sur la Côte d’Ivoire. Nous sommes un exemple en Afrique », a souligné le directeur de l’usine. Le directeur de l’usine est formel : TRCI est le salut des producteurs qui n’ont pas d’autre alternative. Les deux majors ayant leurs propres plantations, quand les cours sont mauvais, ils préfèrent prendre la matière première prioritairement dans leurs exploitations. Leurs ponts sont donc pratiquement fermés et il n’y a que TRCI qui achète. « Il y a de l’espoir dans le caoutchouc » Selon les explications, 70% de la production mondiale de caoutchouc vont dans la pneumatique. « On a eu des prix bas, jusqu’à 180 ou 150 Fcfa. Mais aujourd’hui, 265 – 270 Fcfa prix Apromac, c’est déjà mieux », rassure le directeur. La Chine qui est le plus grand consommateur de caoutchouc naturel avait fait un stockage très important. Elle est train d’effectuer un déstockage. C’est ce qui explique la baisse de la demande chinoise. Or la production du caoutchouc mondial est toujours stable. On ne peut donc pas tabler à long terme sur une chute drastique du prix du caoutchouc. La situation actuelle de malaise du caoutchouc dans le monde, il l’explique également par la crise du pétrole. Qui parle de pétrole, explique-t-il, parle de secteur automobile. Aujourd’hui, un véhicule a près de 60% de composés à base de caoutchouc naturel. « La Côte d’Ivoire et l’Afrique ne représente rien dans ce débat. En son temps, les gens avaient tenté d’expérimenter le caoutchouc synthétique. Mais quand il y a eu des crashs, les investigations ont montré que le pneumatique qui avait explosé provenait du caoutchouc synthétique. Les gens vont vouloir se détourner du caoutchouc naturel, mais ils reviendront toujours. Donc, bon an mal an, le caoutchouc naturel ne disparaitra pas », souligne le directeur de l’usine, qui fait remarquer que le secteur attire davantage d’investisseurs. A preuve, des grosses multinationales comme OLAM, qui font des prospectives sur 10-50 ans, rentrent aujourd’hui dans le secteur du caoutchouc. « Il y a de l’espoir dans le caoutchouc. Mais que nos parents planteurs apprennent à gérer leurs revenus parce que quand le cours d’une spéculation est à 1000 Fcfa/kg, vous faites une tonne vous avez un million de Fcfa, il faut s’attendre à ce qu’un jour ça chute », a conclu Azo Christophe.
Emmanuel Akani